Je
ne sais pas très bien comment tout ça a commencé. Je me souviens juste de cette
lumière intense derrière une fenêtre de ma chambre. Je pensais dormir, mais
l’instant d’après j’étais là, au sein de cette lumière laiteuse, dense et
chaude, presque palpable. Des silhouettes plus sombres se tenaient autour de
moi, des voix de différentes tonalités chuchotaient tandis que d’autres psalmodiaient
un chant cristallin. J’avais l’impression d’être le centre d’intérêt d’un jury
et que leur décision allait changer le cours de ma vie.
Ce
souvenir me hante jour et nuit. Je voudrais le comprendre, mais le sens profond
m'en échappe toujours. Pourtant, quand la terreur me submerge, je sens sa chaleur
en moi, il me ressource pour ne pas succomber à ce qui est humainement possible
de supporter, d’accepter. Je me nomme Terence Skill, je suis gardien de
cimetières.
À
dire vrai, je ne m’attendais pas à faire ce métier. Je suis sorti de l’école
avec les mains dans les poches et des coups de pied au cul. La seule chose que
je réussissais très bien à faire c’était de me faire virer des écoles où je me
posais mes sandales. Pourtant, je n’étais pas un élève turbulent, j’étais juste…ailleurs.
À 15 ans, j’ai commencé à bosser avec mon père sur ses chantiers et il a vite compris
que j’étais vraiment un bon à rien. Selon lui, ma mère et mes profs, la seule
chose dont je pouvais me vanter était la froideur avec laquelle j’accueillais
les événements de ma vie. Un jour, un prof m’a qualifié de jeune homme stoïque.
Je n’ai compris ce mot qu’après avoir cherché sa signification dans le
dictionnaire.
Ce
prof n’avait pas tort, car à la mort de mes parents dans un accident de la
circulation, je suis resté stoïque. Bien sûr, j’étais intérieurement très triste,
j’ai chialé dans mon coin, mais devant les autres, la famille, les amis, je
suis resté stoïque, le visage figé comme le marbre d’une pierre tombale. C’est
ce que disait aussi mes collègues de la municipalité alors qu’ils essayaient de
me faire rire, mon chef après m’avoir copieusement engueulé alors que j’avais
conduit la benne à ordures dans le décor. C’est sans doute pour cette dernière
raison qu’il m’a demandé d’aller voir le maire pour un nouveau poste. Je suis
resté stoïque et je me suis rendu à la mairie.
J’ai
frappé, une voix m’a dit d’entrer. Le maire était assis derrière son bureau en
verre, dans son grand fauteuil en cuir. Costume noir, chemise blanche, cheveux
poivre et sel, visage blafard et regard terriblement bleu, l’allure du maire
m’avait toujours intérieurement impressionné. Extérieurement bien sûr, je
restais placide.
- Asseyez-vous Terence.
J’ai pris place.
- J’ai un poste à vous proposer.
- Le mien me convient très bien,
monsieur le maire.
-
Ramasser les poubelles vous fait mal au dos et conduire la benne nous fait
perdre de l’argent.
-
Je ne me suis jamais plaint et c’était juste une petite erreur de conduite
monsieur le maire, j’ai cru voir quelque chose.
Un
tic a brièvement agité les commissures de ses lèvres.
-
Il est donc temps pour moi de vous proposer un poste plus en rapport avec les
choses que vous croyez voir Terence.
-
Je…je ne comprends pas.
-
Edward Kasnyk, vous connaissez ?
-
Non monsieur le maire.
-
C’était l’ancien gardien du cimetière.
-
Pourquoi ancien ?
-
Il est part à la retraite ce soir.
-
Le chanceux.
-
Il vous attend pour vous passer les clés.
-
Vous plaisantez ?
-
En ai-je l’air ?
Effectivement,
la mine sinistre du maire n’avait rien d’une plaisanterie.
-
Et si je refuse ?
-
Vous être un piètre conducteur et vous avez mal au dos.
Je
crois avoir crispé la mâchoire, signe évident de mon extrême contrariété.
-
Puisque je n’ai pas le choix.
-
Parfait ! a-t-il souri. De plus, vous verrez, c’est un métier assez
simple, en entière adéquation avec vos capacités intellectuelles.
Autrement
dit, il me traitait de demeuré. Évidemment, je n’ai pas cillé.
-
Le gardien du cimetière prend en charge l’ouverture et la fermeture du
cimetière, l’accueil des familles et des visiteurs et s’assure du respect du
règlement sur le site. C’est presque tout !
Je
ne sais pas pourquoi, mais je sentais un truc pas clair dans son intention de
me refourguer le poste. On aurait dit que le maire voulait me refiler la patate
chaude à tout prix.
-
C’est...presque tout ?
-
Oui, enfin non, il y a quelques autres à respecter, des règles plus…officieuses.
Le
maire s’est penché au-dessus du bureau et a soufflé :
-
Vous êtes un homme stoïque Terence, vous saurez y faire face, j’en suis intimement
convaincu.
Une
minute plus tard, j’avais en main mon contrat de travail déjà rédigé à mon nom
et en annexe, les règles officielles et officieuses du cimetière classé en
catégorie C-2. Après les avoir lues, je n’ai pas pu m’empêcher de lui lâcher ma
meilleure réplique :
-
C’est une plaisanterie ?
-
Ai-je une tête de clown ?
-
Non, mais les apparences sont parfois trompeuses.
-
Je suis maire, pas saltimbanque.
-
Je suis éboueur, pas Ghostbusters.
-
Vous ne l’êtes plus et ce que vous aurez à faire, c’est de rester de vous-mêmes
en toutes circonstances et d’appliquer les consignes. D’ailleurs les fantômes n’existent
pas, tout le monde sait ça.
J’attendais
un petit sourire de sa part, mais il a gardé sa face de gardien de prison jusqu'à
la fin de l'entretien, enfin presque.
-
Est-ce clair pour vous ?
-
Si on veut.
-
De plus, il y a un logement de fonction au milieu du cimetière, un logement entièrement
gratuit.
Moi
qui avais du retard dans le paiement de mon loyer, c’était un sacré plus, quoiqu’à
l’idée d’habiter au milieu d’un cimetière ne m’enchantait pas plus que ça. Les 2000
euros de salaire mensuel ont fini de faire pencher la balance en ma faveur ou
la sienne, faut voir, ainsi que l'argument ultime :
-
Il y a aussi les primes.
-
Les primes ?
-
Pour les affaires résolues.
-
Désolé, je ne comprends pas.
-
Vous le comprendrez bien assez tôt Terence et puis, si je vous disais tout
maintenant, ce ne serait plus très amusant pour vous !
Cette
fois, le coin gauche de ses lèvres s’est étiré d’un rictus inquiétant.
-
Sans doute, ai-je maugréé.
-
Maintenant, puisque nous sommes d’accord, SIGNEZ !
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2018@Gebel de Gebhardt Stéphane.
Ce texte nécessite une autorisation pour le publier sur un blog ou en faire une vidéo YOUTUBE (par mail ou message sous ce texte).
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Salut, tu devine sans doute pourquoi je commente :)
RépondreSupprimerCette série s'annonce extraordinaire, l'idée d'un gardien de cimetierre, a qui il va sans doute arriver des chose est génial! Un gros bravo pour l'imagination!
Bon maintenant, j'aimerai si tu le veut bien sur, avoir le droit de porter la série sur ma chaîne.
Merci Récits de ton intérêt ? Tu as dû lire le marchand de sable rouge (qu'en as-tu FRANCHEMENT pensé ? Axe d'amélioration etc...) car celle-ci est terminée même si sa suite ne l'est pas encore (le découpeur de paupières). Pour en revenir au Gardien de Cimetières, les premiers épisodes ne seront prêts qu'au mois d'aout au plus tôt. Je suis en train de REECRIRE le petit enfant qui écrivait des histoires et si tu veux, les 7 premiers épisodes seront disponibles pour, au plus tard, fin de semaine prochaine, sans doute avant. S'ils te plaisent toujours, dis-moi-le, tu pourras les faire sur ta chaîne avec la pub habituelle. Cependant, il faudra préciser aux lecteurs que la suite sera sur Amazon ;-)). Je ferai en sorte de laisser une fin ouverte afin de satisfaire les mécontents. Voilà, à plus, au boulot maintenant.
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