lundi 8 mai 2017

Pierre-Papier-Ciseaux Massacreur




Pierre-Papier-Ciseaux. Le papier enveloppe la pierre, la pierre casse les ciseaux, les ciseaux coupent le papier. Qui n’a jamais joué à ce jeu quand il était gosse ? Pierre, Papier, Ciseaux, ça me rappelle de bons souvenirs, et un horrible, vraiment horrible.

J'ai toujours défendu à mes enfants de jouer à ce jeu, mais ces derniers jours j'ai appris que mon fils Henri se faisait intimider et voler des affaires. Alors j’hésite à faire appel à lui. Vous ne savez pas de qui je parle ? Je m’explique.  

Le début de mon histoire remonte au printemps 76. J’avais dix ans à cette époque. J’étais très timide, peu sociable et je n’avais pas de vrais copains à l’école. On peut dire que j'étais un gamin solitaire, je me retrouvais souvent seul à la récré malgré les trois cents têtes de pipes qui couraient partout dans la cour de récréation.  

J’ai longtemps été victime de racket. Deux redoublants de sixième année qui mesuraient trois têtes de plus que moi venaient souvent me faire les poches. L’un s’appelait Billy et l’autre Big Duck qui en plus d’être con, avait le malheur d'être mon voisin.

Le jour où tout a commencé était un jour comme les autres. Billy et big Duck sont venus me réclamer mon sandwich et des cartes de jeux à la mode. Ce matin-là, j’étais arrivé en retard à l'école et je les avais oubliés. Dans un coin reculé de la cour de récré, j’ai reçu quelques baffes et j’ai mangé un peu d’herbe. Ils sont repartis en rigolant et moi, j’ai tenté de faire bonne figure en me relevant et en montrant aux spectateurs que je n’avais pas mal. L’attroupement s’est dissipé sous les rires et les moqueries habituelles. C’est à cet instant précis que je l’ai vu.

Les cheveux filasse, la tignasse ébouriffée, les traits et le nez fins, ses grands yeux bleus avaient une intensité hypnotique. Il m’a tendu la main et m’a dit s’appeler Sasha. Le timbre métallique de sa voix sonnait bizarrement. Il portait un bermuda déchiré aux cuisses et une chemise blanche pleine de taches. Après l’avoir longuement dévisagé, j'ai fini par lui serrer la main et lui ai dit que je m’appelais Ricky. Sa main était froide et moite. La sonnerie de la fin de la récré nous a séparés. Une chose était sûre : je n’avais jamais vu ce gamin à l’école.

Pendant la récré de l’après-midi, Sasha est revenu me voir et m’a proposé de jouer avec lui. J’ai hésité, car il me faisait un peu peur. Sa tête m’évoquait une poupée malsaine avec des pommettes saillantes et des lèvres d'un rouge vif. Sa peau était pâle et de petites veines bleuâtres zigzaguaient sous ses yeux. Il était plus petit que moi, je lui donnais huit, peut-être neuf ans. Je me souviens aussi de quelque chose de très étrange : quand je le regardais, j’avais l'impression que plus rien d'autre n’existait autour de nous.

Il m’a emmené jusqu’au fond de la cour, sur un bout de pelouse caché entre deux saules pleureurs. Près du grillage, à l’abri des regards, on s’est assis en tailleur. Nos genoux s'effleuraient, leur contact était glacial.

De sa petite voix discordante, il m’a proposé de jouer à Pierre Papier Ciseaux. Ses yeux grands ouverts attendaient ma réponse avec impatience. Il semblait très excité à l’idée de jouer à ça. Après tout ce n’était qu’un gosse chétif, pourquoi aurais-je eu peur de jouer avec lui ? J’ai donc accepté.

On a mis une main dans le dos, on a fait notre choix puis on a dit la formule « Pierre Papier Ciseaux ». J’avais choisi le papier et lui la pierre. Comme le papier enveloppe la pierre, j’ai gagné. Sa défaite l’a rendu fou de joie, il s’est mis à rire en se tenant le ventre. Son rire était métallique. C’était effrayant. J'étais vraiment mal à l’aise, il avait perdu et ça le rendait fou de joie. À la fin de son interminable rire, je l’ai entendu murmurer : « C’est mon jour de chance, c’est ma nuit de joie ! » J’en ai conclu qu’il était complètement taré et j’ai voulu me barrer, mais il m’a fermement agrippé le poignet. Sa main était glaciale. Il s’est excusé et, comme je n’avais rien d’autre à faire que de m’ennuyer, on a continué à jouer.

Chaque fois que je gagnais, Sasha poussait un gloussement très bref et très désagréable. Je ne me rendais pas compte que je gagnais à tous les coups, comme si Sahsa connaissait mon choix à l'avance. Soudain, il s’est arrêté de jouer et m'a parlé de ce qui s'était passé ce matin avec Billy et big Duck, qu’il était anormal que de grands cons me volent mes affaires. Je lui ai répondu que ce n’était pas son problème. Il m’a répondu qu’avant de venir dans cette école, il se faisait lui aussi racketter. Un jour, il a trouvé une solution très simple et terriblement efficace. Curieux, je l’ai écouté sans l’interrompre. À la fin de son explication, je lui ai demandé s’il ne se foutait pas de ma tronche. Comme réponse, son sourire s’est élargi et j’ai sursauté quand j’ai découvert deux rangées de petites dents noires et pointues. J’ai aussitôt baissé les yeux et j'ai regretté d'être ami avec lui.

Pourtant j'ai cédé, j'ai accepté sa solution. En fait, selon Sasha, c’était très simple de me débarrasser de Billy, il me suffisait simplement de penser à lui en jouant une partie de Pierre Papier Ciseaux. J’ai joué et…pas lui. Les yeux écarquillés, il regardait la pierre formée par mon poing. « Continue, a-t-il piaillé, joue pour big Duck, joue big Duck ! C’est ce que j’ai fait, j’ai joué en pensant très fort à big Duck. J’avais choisi la paire de ciseaux. C’est alors qu’une chose effrayante est survenue : le bout d’une langue violacée a surgi entre ses dents. Je me suis sauvé à toutes jambes…  

En rentrant chez moi, je me posais plein de questions sur Sasha : dans quelle classe était-il ? Où habitait-il ? Pourquoi voulait-il m’aider et surtout pourquoi sa langue était violette et ses dents horriblement noires ?

Une fois à la maison, je me suis jeté sur mon quatre heures. Ma mère m’a alors demandé une chose vraiment très étrange, une chose qu’elle ne m’avait jamais demandé auparavant : avais-je joué à Pierre Papier Ciseaux ?

J’ai mal dormi cette nuit-là. Je me réveillais en sursaut, je croyais entendre le rire glaçant de Sasha et des craquements près de mon lit. Était-ce réel ou non, je n’en savais rien. Comme dans la plupart des maisons américaines, ma chambre n’avait pas de volets. À chaque pleine lune, une lumière pâle rendait mes meubles et mes murs grisâtres. Quand le vent soufflait, les ombres des branches dansaient sur les murs d’une façon effrayante. Cette nuit-là, le vent soufflait fort et je n'avais pas tiré les rideaux. Un bruit sourd m’a tiré de mon sommeil léger, j’ai eu l’impression qu’une tête avait frappé violemment un mur. Comme si cela pouvait me protéger, j’ai bondi du lit et j'ai couru pour tirer les rideaux. C’est à ce moment-là que j’ai entendu très distinctement le tapotement d’ongles contre la vitre de la fenêtre. Une petite voix discordante a alors soufflé près de moi : « Ricky a joué, Ricky a gagné, les gros porcs vont crever ! » 

J’ai hurlé, ma mère a accouru dans ma chambre, m’a demandé ce qui se passait en me berçant contre elle. Je lui ai qu’un petit enfant avec des dents noires voulait me faire du mal. Elle a fouillé mon placard, a regardé sous mon lit avant de me dire que j’avais sûrement fait un cauchemar. Puis elle m’a bordé et m’a caressé les cheveux pour m’endormir. Étrangement, elle ne me regardait pas, elle scrutait ma chambre comme si elle cherchait quelque chose ou quelqu’un. Je ne la sentais pas plus rassurée que moi. Elle est retournée se coucher en laissant la porte de ma chambre ouverte.

Je n’aimais pas dormir la porte ouverte car depuis mon lit, je voyais le couloir et tout au bout de ce couloir, il y avait une fenêtre où s'agitaient de sombres silhouettes. Bon, je savais très bien que c’était des branches, mais la nuit, quand il fait sombre, était-ce vraiment des branches ? J’ai fini par m’endormir aux premières lueurs du jour, un peu avant que ma mère ne vienne me réveiller pour prendre mon petit-déjeuner. J'étais crevé.

Il s’est passé quelque chose d'horrible dans la cour de récréation. J’ai entendu un hurlement qui provenait de l’emplacement où nous avions joué la veille avec Sasha, c’est à dire sous les deux saules pleureurs. Un petit garçon y est sorti en courant. Ses mains, son visage, ses habits étaient couverts de sang. J’ai alors fait comme tous les écoliers qui ont vu ce gamin, j’ai hurlé en courant jusqu’au préau.

Une semaine plus tard, après la réouverture de l’école, on a appris que Billy était mort dans de terribles circonstances. Pour préserver ma sensibilité, ma mère ne voulait pas m’en dire plus. Cependant, certains parents n’étaient pas aussi précautionneux qu’elle et une rumeur a vite enflé dans la cour de récré : Billy aurait été massacré à coups de pierre et il ne resterait de son corps que des touffes de cheveux et une bouillie sanguinolente mélangée à ses vêtements. Certains élèves disaient que Billy avait été massacré par un monstre de pierre avec de longues dents noires.

Beaucoup d’enfants ont été interrogés et tous ont à peu près dit la même chose : Billy n’était pas un type sympa et avait la fâcheuse tendance à laisser l’empreinte de ses doigts sur les visages des écoliers. Pour ma part, je n’ai rien dit. Pourquoi ? Je ne sais pas, sans doute que j’étais impressionné par ces hommes en uniforme, mais aussi par le fait que je commençais à croire à la solution simple et efficace de Sasha. Au fond de moi, j’avais peur qu’on me soupçonne aussi du meurtre. Je sais, c'était complètement stupide, mais je réagissais comme un gamin de dix ans.

Après le massacre de Billy, l’ambiance à l’école n’était plus la même. Les enfants jouaient toujours, mais on sentait un climat de défiance, comme si chaque élève se méfiait de son voisin. De grands panneaux opaques entouraient l’emplacement du meurtre et personne ne pouvait s’y approcher. Moi je passais mes récrés à tenter d’apercevoir la tignasse blanche de Sasha. En vain. Je me suis renseigné auprès des autres élèves, mais aucun ne connaissait ou n'avait vu Sasha. J’ai fini par abandonner en pensant que j’avais joué avec un vagabond, un gosse qui vit dans une caravane et qu’il était reparti sur la route avec ses parents.

L’école a été sous surveillance policière jusqu’à ce que le responsable du meurtre, un échappé de l’asile psychiatrique du comté voisin, soit arrêté. C’était à peu près un mois après la mort de Billy. Inutile de vous dire que les parents, les élèves, le personnel de l’école et moi-même étions soulagés. L’arrêt du meurtrier a fait cesser ce cauchemar où je me voyais massacrer Billy à coups de pierres.

Depuis la mort de Billy, son pote, big Duck n’emmerdait plus personne. Il passait son temps assis sur un banc, le regard sur ses pieds. Il avait l’air aussi pommé que je pouvais l’être à l’époque. Le voir si triste et si seul me faisait vraiment pitié. J’ai décidé d'aller le voir, car au fond de moi, je me sentais un peu coupable d'avoir souhaité la mort de son copain. C’est drôle, mais on a tout de suite sympathisé. Après m’avoir fait ses excuses, il m’a rendu des cartes de jeu et une vieille figurine d’un personnage de manga. On est rentrés ensemble après l’école et on s’est même dit au revoir devant chez nos pavillons puisque c’était mon voisin.

Fou de joie d’avoir un pote hyper costaud, j’ai mangé mon goûter avec appétit et j’ai jacté avec ma mère comme jamais. Elle ne m’avait jamais vu aussi joyeux et bavard en rentrant de l’école. D’habitude, j’étais d’humeur maussade, je disais trois mots, je mangeais un morceau de pain puis je montais faire mes devoirs avec autant de joie qu’un type proche de la mort.

Ce soir-là, après avoir discuté de beaucoup de choses avec ma mère, je suis monté me coucher le cœur joyeux. Dans mon lit, j’ai regardé les cartes que m’avait volées Duck à l’époque où c’était un gros con. J’étais super content de retrouver plusieurs de mes héros préférés. Alors que j’allais mettre mes cartes dans le tiroir de ma table de nuit, j’ai arrêté mon geste, le regard fixé sur ma dernière carte.

Le sigle P.P.C.M était inscrit en rouge sur fond noir au recto de cette carte. J’ai tout de suite compris que PPC voulait dire Pierre, Papier, Ciseaux, mais que signifiait le M ? La main tremblante, j’ai retourné la carte et un sentiment d’effroi m’a traversé le corps. Je n’arrivais pas à croire son titre : Règles et conseils du jeu Pierre Papier Ciseau Massacreur.

1.      Asseyez-vous face à votre adversaire.
2.      Mettrez une main derrière le dos.
3.      Formez une pierre, un papier ou un ciseau avec la main cachée.
4.      Jouez.
5.      Le papier enveloppe la pierre : bravo vous avez gagné !
6.      La pierre casse le ciseau : encore gagné !
7.      Le ciseau coupe le papier : vous êtes un champion !
8.      Dans tous les cas contraires, vous avez perdu.
9.      Ce jeu puissant sa source dans d’anciennes traditions occultes et guerrières, il est fortement déconseillé d’y jouer avec un esprit de vengeance.
10.  Le créateur du jeu est l’enfant aux cheveux blancs.
11.  Ne jouez pas avec l’enfant aux cheveux blancs.
12.  Vous ne devriez pas être en possession de cette carte, RENDEZ-LA !
13.  Si vous jouez avec l’enfant aux cheveux blancs, ne gagnez pas.
14.  Si vous avez gagné, alors il est trop tard, le Massacreur est en chemin.

En criant comme si je m’étais ébouillanté, j’ai jeté la carte par terre puis j’ai rangé toutes les autres dans le tiroir avant d’éteindre ma lampe de chevet. Caché sous les couvertures, je tremblais comme une feuille, je me disais que c’était un cauchemar, qu’il était impossible qu’une carte mentionne Sasha, l'enfant aux cheveux blancs. Heureusement, ma mère est venue me border. Elle m’a trouvé fiévreux, m’a demandé si j’allais bien avant de prendre ma température. Non, ça n’allait pas et je lui ai tout déballé depuis le début. Elle m’a attentivement écouté, ne m’a pas interrompu jusqu’à la fin de mon histoire. Pendant celle-ci, elle me regardait assez bizarrement, avec un petit sourire en coin. Soit elle ne me croyait pas, soit elle se moquait de moi. Cela m’a un peu énervé et j’ai sauté hors du lit pour reprendre la carte et la lui montrer. Elle ne l'a même pas regardée, m’a simplement dit en me caressant le visage : « Ne t'inquiète plus mon chéri, tous tes problèmes à l'école vont se régler et tes notes vont s’améliorer ». Puis elle est sortie de la chambre en chantonnant une berceuse que je n’avais jamais entendue.

J’ai eu beaucoup de mal à m’endormir. Sans cesse je me répétais les règles de la carte, sans cesse je revoyais le visage constellé de petites veines bleues de Sasha, sa langue violacée, ses dents pointues, ses lèvres écarlates. Je regrettais d’avoir pensé à Billy et à Big Duck en jouant. Maintenant, je voulais que Big Duck reste mon ami et que rien ne lui arrive. Je me suis rassuré en me disant qu’un fou échappé de l’asile avait massacré Billy, que Sasha n’avait rien à voir avec le meurtre. Mais pourquoi cela s’est-il produit à l’endroit où j'avais joué à Pierre-Papier-Ciseaux avec Sasha ? Pourquoi l’avait-on tué à coups de pierres ? J’ai eu des sueurs froides en repensant à ma partie de PPCM : j’avais choisi la pierre en pensant à Billy !

Je ne sais plus quelle heure il était quand j’ai entendu le tapotement d’ongles contre la vitre de ma fenêtre. Je me suis réveillé en sursaut. J’étais en sueur, je tremblais de partout. Alors que je croyais avoir fait un cauchemar, une petite voix glaciale m'a susurré à l'oreille « C’est mon jour de chance, c’est ma nuit de joie ! ». J’ai allumé précipitamment ma lampe de chevet et… Sasha n'était pas près de mon lit ni derrière ma fenêtre. Je me suis calmé en respirant lentement comme ma mère me l’avait appris pour évacuer mes angoisses. Elle avait la porte de ma chambre ouverte. Au bout du couloir, la pâle lumière de la lune formait un halo étrange autour de la fenêtre. Derrière, les ombres noires des branches étaient fixes.

J’avais la gorge sèche et un verre d’eau fraîche m’aidait toujours à me rendormir. La nuit je préférais boire l’eau du robinet de la salle de bains qui se trouvait à gauche de la fenêtre au fond du couloir plutôt que de descendre à la cuisine située au rez-de-chaussée. De plus, la porte de la salle de bains se trouvait face à la chambre à ma mère. Si la salle de bains ne s’était pas trouvée à cet endroit, je crois que jamais je n’aurais eu le courage de boire un verre d’eau en pleine nuit. Je me disais toujours que si un monstre surgissait dans le couloir, ma mère était assez proche pour me sauver.

En marchant vers la salle de bains j’avais toujours l’impression que quelque chose m’observait. Je n’étais qu’un gosse et un gosse s’imagine vite qu’une silhouette blanchâtre avec de longs doigts crochus va surgir du noir ou s’allonger depuis le plafond pour vous croquer un morceau de la tête.

Je suis arrivé devant la salle de bains avec un certain soulagement. D’habitude, je ne regardais jamais par la fenêtre de peur d’y voir un monstre m'observant depuis le jardin en contrebas. Mais cette nuit-là, une lumière a attiré mon regard. Elle provenait de la maison de big Duck. Savoir qu’il était là, à une dizaine de mètres de moi, m’a fait sentir en sécurité. Je suis resté une poignée de secondes à observer cette lumière provenant d'un couloir dont j’apercevais une rangée de portes sur la gauche et la dernière marche d’un escalier tout au bout.

La lumière de ce couloir a grésillé avant de s’éteindre. J'ai eu la désagréable impression que ce n'était pas normal. Au moment où j’allais rentrer dans la salle de bains, le couloir du voisin s’est rallumé, éteint, rallumé sur deux jambes affreusement maigres. J’ai plaqué une main sur ma bouche pour étouffer mon cri. Les jambes étaient d’un blanc cadavérique et se rapprochaient de la fenêtre en faisant de grands pas. Attaché aux hanches squelettiques, le reste d’un corps cassé en deux glissait derrière elle. On dirait le buste d’un squelette avec des os épais. Ce buste s’est redressé sèchement devant la fenêtre, la grandeur de cette horreur était surnaturelle, son crâne pointu touchait le plafond. Ses longs bras se finissaient par des pinces, enfin non, ce n’était pas des pinces, mais des paires de ciseaux d’os. La chose les faisait claquer devant lui comme si elle me saluait ! Son visage était monstrueux, ovale et de travers, penchait d’un côté puis de l’autre. Il était si horrible qu’aujourd’hui il m’est toujours impossible de le décrire en détail. Toutefois, ses yeux sortaient de leur orbite et ils étaient d’un bleu intense, comme ceux de Sasha.

Une main m’a agrippé l’épaule. J’ai frôlé l’arrêt cardiaque. Droite comme I ma mère se tenait dans l'encadrement de la porte de sa chambre. Elle a ouvert les bras et je m’y suis précipité. Je tremblais de tout mon corps, j’avais mal à la mâchoire tellement mes dents claquaient. Elle m’a serré contre elle, m’a consolé en me disant que tout serait bientôt terminé.

Un hurlement inhumain a traversé la nuit. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu Duck courir dans le couloir avant de tomber. Heureusement le monstre n’était plus là. Toujours au sol, Duck s’est retourné et a mis un bras en opposition. Les doigts de sa main puis son poignet se sont cassés vers l’arrière. D’un coup, il s’est mis à gigoter comme si quelque chose le frappait. Des jets de sang giclaient de son corps et zébraient d’un rouge vif les murs et les portes du couloir. C’était l’horreur, j'étais en état de choc, je n’arrivais même plus à hurler. Ma mère m’a trainé jusqu’à son lit en chantonnant cette horrible comptine au rythme discordant. Une fois couchée, elle m’a susurré à l’oreille que j’étais son agneau de lait, que c’était pour mon bien qu’elle avait fait ça, que je ne souffrirais plus jamais…

Voilà, vous connaissez les évènements du printemps 76. Pour ma part, je n’ai compris ses horreurs qu’à l’ouverture du testament de ma mère. Elle m’a légué une petite somme d’argent économisée après la vente de la maison, car je ne voulais plus y habiter. Dans ses affaires, j’ai retrouvé un coffret en bois vermoulu. J’y ai découvert une espèce de parchemin jaunâtre. Quand je l’ai déplié, la carte des règles du Pierre Papier Ciseaux Massacreur est tombée à mes pieds. Je n’avais jamais retrouvé cette carte. Pendant des années, les psys et ma mère ont prétendu que cette maudite carte était le fruit de mon imagination, tout comme le meurtre de big Duck tué par un évadé de prison. Sur le parchemin, deux prénoms étaient inscrits en lettres brunâtres, sans doute du sang séché : Billy et Duck.  


Dernièrement, j’ai appris qu’Henri, le plus jeune de mes trois gamins se faisait emmerder par des balèzes de son école. Je suis intervenu auprès de la direction et des parents, mais comme ils sont aussi cons que leurs sales gamins rien n’a changé. Chaque jour qui passe je me demande comment résoudre ce problème. Henri est aussi chétif et timide que je l’étais à l’époque. Cela commence à se voir sur ses résultats scolaires. Je ne veux pas que mon fiston devienne comme moi, un manutentionnaire de supermarché, je veux qu’il étudie, qu’il aille à l’université pour être avocat ou Sénateur. On pourrait déménager, mais ma femme tient à rester dans son village natal. Elle dit que les choses s’arrangeront d’elle-même. Moi, je n’y crois pas une seconde. Et si je proposais à Henri de faire une petite partie de Pierre Papier Ciseaux Massacreur avec un enfant aux cheveux blancs ? Après tout, Sasha n’avait fait de mal qu’à Billy et à big Duck ? Il me suffirait d’écrire avec mon sang le nom de ces petits connards sur le parchemin et de lire les règles de Pierre Papier Ciseaux Massacreur…Oui, je crois que c'est la meilleure solution...

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2018@Gebel de Gebhardt Stéphane.
Ce texte est libre de partage à conditions de m'en informer en commentaire çi-dessous.

6 commentaires:

  1. Salut, j'ai trouvé ce texte très très bien! J'ai vu qu'il fallait t'en informer si on souhaite la partagez. Donc comme j'aimerai la faire en vidéo, je t'informe que je voudrai bien la faire si tu le veut bien sur. Avec tes conditions, ;)

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    1. Salut Récits. OK, laisse-moi aujourd'hui pour la relire car ce texte date un peu...Je te donnerai le feu vert d'ici quelques heures sur twitter. Je viens de me lever, il est 7h au Canada ;-)

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  2. J'ai adorer mais j'aurai préfère que nous connaissions la suite de la mort de Duck

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    1. Duck est mort de chez mort chez ami, malheureusement. Pour le narrateur l'histoire s'achève ainsi et il se demande s'il ferait la même chose pour son fils.

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  3. Bonjour j'aimerais utiliser ce texte puije le faire ? Mon pseudo yt est Heldrix

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    1. Bonjour. Vous le pouvez à condition de citer l'adresse de mon blog et le nom de l'auteur. Tenez-moi au courant de vos démarches et où je pourrais lire votre reprise. Merci.

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