lundi 24 décembre 2018

Un père Noël gris et maigre




Jour J de mon éveil dans un asile

Je ne sais plus depuis combien de temps je suis enfermé ; un an, dix ans, peut-être plus. Mon traitement a été arrêté, j’ai retrouvé mes facultés, je peux donc écrire ce que j’ai sur le cœur, ce qui me trotte dans la tête depuis cette sordide affaire.

Je voudrais d’abord préciser que j’ai toujours été sain de corps et d’esprit, contrairement aux dires des psychologues et de leurs tests truqués. Tout est de la faute au Père Noel gris, vous comprenez, tout a toujours été de sa faute. Je suis innocent et par ces notes, je compte bien le prouver.

Si j’ai perdu la notion du temps, je n’ai pas oublié la chronologie exacte des évènements ni le jour où tout a commencé : c’était un 17 décembre 1966, 7 jours avant un réveillon de Noël qui s’annonçait magique, 7 jours avant l’horreur…je…j’en ai des frissons, je…je reprendrai mes notes demain.

Jour +1 de mon éveil dan un asile

Je m’appelle Édouard Cunningham, je ne sais pas quel âge au juste, mais je peux vous affirmer que ma mère, mon frère et ma sœur ne m’ont jamais rendu visite en prison. J’habitais un petit village isolé du nom de San José situé dans l’Arkansas. Une centaine d’âmes y vivaient et presque tout le monde se disait bonjour. Mes parents y sont nés, s’y sont mariés et ont donné naissance à leurs trois enfants. Moi j’étais le plus vieux des trois. Je devais avoir 13/14 ans quand c’est arrivé. Si je ne me souviens pas de ma date d’anniversaire, je me souviens de tout…de tout !

Jour +2 de mon éveil dans un asile

Le début du mois de décembre 66 correspond à l’emménagement du voisin, un vieillard barbu et ventru. Avec ironie, on disait que c’était le père Noël. Moi je le trouvais bizarre avec ses gros yeux cachés derrière ses lunettes rondes. Je fus le seul à avoir vu son emménagement et je peux vous affirmer qu’un vieillard normal ne fait pas d’emménagement seul, surtout quand il a un canapé à trois places, une armoire et des dizaines de cartons. Il les a amenés chez lui avec une force et une vitesse stupéfiante ! 

De la fenêtre de ma chambre située au premier étage, je pouvais voir sa maison en contrebas. Cette maison n’avait pas été habitée pendant une paire d’années à cause de sa sinistre réputation ; un peu avant Noël, un cinglé avait égorgé sa femme et ses enfants puis les avait démembrés avant de mettre leurs morceaux dans des paquets cadeaux. Heureusement, la police l’avait arrêté avant qu’ils les distribuaient sur la place du village.

Jour +3 de mon éveil dans un asile

Le 17 décembre 1966 correspond au premier jour des vacances scolaires, mais c’est aussi le premier jour de la disparition d’un petit garçon. Bien sûr, ça ameuta tout le village et toutes les maisons furent fouillées de fond en comble. Enfin quand je dis toutes, ce n'est pas vraiment la vérité puis la seule maison à ne pas être fouillé a été celle du vieillard ventru ! Il n'y eut aucune arrestation ce jour-là.

Le 18 décembre 1966, un second enfant a disparu. Le village était sens dessus dessous, plus personne ne se disait bonjour, tout le monde soupçonnait l’autre. Il y eut des insultes, des bagarres, des gens furent mis en prison et un jour, on a compté plus de flics que d’habitants dans le village !

Moi, ce que je trouvais étrange, c’était le comportement du vieux. Il marchait dans la rue comme si de rien n’était et s’asseyait toujours sur son banc face à la mairie. Tout le monde pensait qu’il était la seule personne normale du village, tous les enfants touchaient son ventre ou sa barbe et le vieux leur donnait des bonbons ! Certains lui ont même demandé si pour remonter le moral du village, il pouvait enfiler le bel habit rouge du père Noël ! Bien sûr, le vieux a accepté !

Le matin du 19 décembre 1966, j’ai entendu un cri d’enfant. Ça venait de chez l’voisin, du moins c’est ce que j’ai cru. Depuis la fenêtre de ma chambre, en contrebas, je voyais la grande vitre de son salon, le canapé, et à gauche le foyer d’une cheminée. J’apercevais aussi l’extrémité d’un tapis rouge avec des sapins et des guirlandes comme motifs. Sur ce tapis, il s’est passé des choses...des choses effroyables…j’angoisse, je tremble, car c’est le lendemain, le lendemain que l’horreur a vraiment commencé...

Jour +4 de mon éveil dans un asile

En fin d’après-midi du 20 décembre 1966, j’ai vu un garçon et une petite fille sauter sur le canapé du vieux. Ils se sont retournés puis m’ont fait de grands signes de la main. J’ai aussitôt prévenu ma mère. Elle ne m’a pas cru. Elle m’a même regardé de travers et m’a ordonné de ne plus jamais plaisanter avec cette tragédie. J’ai tellement insisté qu’elle m’a claqué. Je lui en voulais de ne pas me croire et j'ai alors décidé de ne plus lui en parler.

La nuit de ce 20 décembre, je suis persuadé d’avoir entendu des ongles tapoter contre les carreaux de ma fenêtre. Je me suis réveillé en sursaut et j’ai vu deux petites silhouettes bouger sur le mur du côté droit de la fenêtre. J’étais mort de trouille, je voulais appeler ma mère, mais je n'ai pas osé le faire. Les silhouettes ont glissé jusqu’à la porte de mon placard à jouets qui a brusquement claqué. Des petits rires, des chuchotements m’ont glacé le sang. Une balle a plusieurs fois rebondi par terre avant que ma boîte de soldats en plomb ne s’y fracasse dans un bruit assourdissant.  

Je me suis caché sous les draps, car je me doutais de la suite ; des pas rapides ont résonné dans le couloir, ma porte s’est ouverte, la lumière a jailli puis ma mère m'a demandé ce que je foutais en pleine nuit ! Je n’ai rien dit, ce qui l’a encore plus énervé et j’ai eu le droit à une autre claque ! J’ai passé une partie de la nuit à maudire ma mère et l’autre a écouté les petits ricanements du placard…

Jour +5 de mon éveil dans un asile

À la lumière matinale du 21 décembre 1966, j’ai quitté mon lit, j’ai approché du placard très à l’écoute de ces bruits qui avaient cessé durant la nuit. Ma balle ainsi que ma boîte de soldats en plomb étaient toujours sur l’étagère. Étant donné que j’avais la tête sous les draps, peut-être que ma mère les avait rangés ? N’osant pas lui en parler, j’ai préféré penser que c’était bien elle et que je n’avais pas imaginé ces scènes terrifiantes.

J’étais si fatigué d’avoir peu dormi cette nuit-là que j’ai passé ma journée à comater devant la fenêtre de ma chambre. Le voisin n’a pas bougé de chez lui. Je ne l’ai pas vu marcher ou s’asseoir sur le canapé de son salon. Mais peut-être était-il sorti discrètement ?

Mort de fatigue, je me suis couché peu après 20 heures. Dans l’après-midi, j’avais attendu que ma mère aille chercher la dinde pour subtiliser un couteau de cuisine, au cas où le vieillard grimperait le long de ma façade et chercherait à entrer par ma fenêtre. Ma mère ne me croyant pas, j’avais donc opté pour de l’autodéfense, intimement convaincu que le vieillard était le kidnappeur des deux pauvres bambins.

En pleine nuit, un hurlement m’a réveillé. Je tremblais de partout. On aurait dit que c’était dans ma chambre qu’un enfant avait hurlé. Au second cri, j’ai su que ça venait de chez l’voisin. Au troisième cri j’étais sûr que ma mère allait se lever mais rien, pas un bruit dans le couloir. Elle avait sans doute mis des boules de cire dans les oreilles, comme elle le faisait parfois. J’ai alors pris mon couteau que j’avais caché sous l’oreiller et me suis approché de la fenêtre...

Jusqu’à ma mort, je me souviendrais de ces visages d’enfants collés à la fenêtre du salon. Ils hurlaient, frappaient avec leurs petites mains les carreaux. Derrière eux, une silhouette grise a découpé l’obscurité. Elle était si grande que je ne voyais que ses jambes. Deux énormes mains ont empoigné le dessus de leur tête et les ont violemment tirés en arrière. Leurs hurlements ont fini par peu à peu s’éteindre, me laissant dans un état que vous pouvez aisément imaginer.

Je ne sais plus quelle heure il était quand ma jeune sœur m'a découvert allongé sous la fenêtre de ma chambre. Vu ma fébrilité, ma mère a appelé médecin. J'ai préféré garder le silence sur ce qui s'était passé. Le médecin m'a ordonné de rester au lit toute la journée. J’ai occupé mon temps à somnoler, à lire des livres rassurants comme des contes pour enfants. Je fatigue, j’écrirai la suite demain, oui demain…   

Jour +6 après mon éveil dans un asile

Si toute la journée du 22 décembre j’avais résisté à l’idée de regarder la fenêtre du voisin, la tombée de la nuit m’a rendu toutes mes angoisses. Je revoyais la bouche grande ouverte des enfants qui hurlaient derrière la fenêtre, j’entendais leurs petites mains cogner contre les vitres, j’allais devenir cinglé si je ne m’assurais pas que tout était redevenu normal.

Des tas d’autocollants, c’est ce que j’ai vu collé de travers contre la vitre du voisin ! Y’en avait absolument partout ! Des sapins, des flocons, des pères Noël, des traîneaux, des rennes par paquets ! On aurait dit que les enfants disparus et le vieillard avaient passé leur journée à les coller sans faire attention qu’à une seule chose : regarder la fenêtre de ma chambre !

Après avoir somnolé toute la journée, forcément, je n’avais plus sommeil. J’ai eu l’autorisation de garder ma lampe allumée. Si je continuais à lire des contes pour enfants, mon esprit était ailleurs, épiait le moindre bruit, jetait des regards nerveux vers mes murs ou ma fenêtre. La seule chose qui me rassurait était le couteau posé sur mes cuisses.

Tout le monde c’était couché assez tôt cette nuit-là. Je n’entendais rien hormis un léger ronflement qui provenait de la chambre d’à côté, là où dormaient mon frère et ma soeur. C’était si calme que c’en était insupportable. Mes yeux ont fini par ne plus quitter la fenêtre. Bouillant d’angoisse, il fallait que j’en ai le cœur net. Je me suis levé en serrant bien fort mon couteau. J’ai approché doucement de la fenêtre, comme si j’avais peur que le vieillard surgisse derrière alors que ma chambre était bien au premier étage. Je me suis approché, encore approché et…un clair de lune brillait au-dessus du toit du voisin, ce qui a détourné mon attention une seconde ou deux. Puis mon cœur s’est arrêté quand j’ai vu que les autocollants avaient tous été retirés ! Le canapé aussi avait disparu ! Par contre, ce que je voyais distinctement, c’était les braises rougeoyantes du foyer de la cheminée. Ça formait un halo orangé sur le tapis et ça éclairait des cartons, des rouleaux de papier cadeau, des ciseaux, des rubans qui reflétaient l’orangé des braises. Il y avait aussi deux longs bras gris, avec des mains aux doigts très fins qui montaient rapidement les cartons et coupaient les rubans. Je ne voyais que ces bras, juste ces bras qui s’activaient à une vitesse anormale. Après avoir monté un dernier carton, les bras ont quitté mon champ de vison. C’est à ce moment que j’aurais dû dire stop, c’est à ce moment-là que j’ai vraiment commencé à dérailler…

Un peu plus tard, je ne saurais dire quand, un bras gris a surgi de l’obscurité et a posé dans un carton, une main d’enfant ! Dans le halo orangé, j’ai vu l’os du poignet sectionné, la chair rouge autour, le sang en goutte à goutte et chacun des cinq petits doigts repliés ! Alors j’ai hurlé, hurlé, hurlé…

Jour +7 après mon éveil dans un asile

Je voyais le visage de ma mère, de mon frère et de ma sœur, mais je ne les entendais pas. Je suis resté une journée en observation à la clinique. Les médecins ont conclu à des cauchemars consécutifs à un surmenage et m’ont prescrit des somnifères. Je suis rentré chez moi en cette fin d’après-midi du 23 décembre. N’y tenant plus, j’avais décidé de dire à ma mère ce que j'avais vu et que je savais où étaient les enfants disparus :  dans son regard j'y ai lu de l'incompréhension et du mépris.

Cette nuit-là, j’avais pris assez de somnifères pour dormir d’un sommeil noir, mais je reste persuadé d’avoir entendu comme des têtes frapper ma vitre…
 
Des cris mêlés à des rires d’enfants m’ont réveillé. C’était le matin du réveillon de Noel. J’avais mal au crâne, me sentait poisseux, avait besoin d’une bonne douche. Après celle-ci, je me suis habillé et j’ai été voir ce qui se passait dehors.

Mon vieux voisin avait enfilé un costume rouge de père Noël et distribuait au pied de son pick-up des cadeaux aux enfants. Moi je savais ce qu’il y avait à l’intérieur, les mains et les pieds de gosses enlevés ! En me précipitant vers eux, je leur ai hurlé de ne pas les ouvrir !

Les gosses se sont mis à pleurer quand je leur arrachais le cadeau des mains, d’autres s’enfuyaient. Des parents ont accouru, m’ont saisi les bras au lieu d’empêcher leurs enfants d’ouvrir leurs maudits cadeaux !

Ma mère est arrivée en me suppliant d’arrêter. J’ai fini par me calmer, le regard rivé sur la petite fille qui déballait son cadeau. Une girafe en plastique en est sortie. La petite fille est repartie en séchant ses larmes. J’étais tellement stupéfait que je me suis assis sur les marches du porche pendant un temps que je ne saurais dire. Je regardais fixement la joie, le rire, le bonheur se réinstaller autour du faux père Noël. Alors, j’ai commencé à me dire que comme mon père, mon imagination me jouait des tours et qu’il fallait ne pas en chercher la cause très loin, en l’occurrence l’horrible histoire du passé de la maison voisine où un père avait découpé sa femme et ses enfants…Pourtant, une partie de mon esprit refusait que je sois fou, me hurlait que tout était réel !

Quand le pick-up est parti avec son faux père Noël, il faisait presque nuit, j’étais seul sous le porche. Au loin, le hululement des premières chouettes et le hurlement de coyotes trahissaient la quiétude de la forêt. La mort se mettait en ordre de marche, je le sentais au plus profond de moi.

Si j’avais retrouvé mon calme, le crépuscule m’a rendu peu à peu mes angoisses. Au moment de rentrer chez moi, j’ai entendu grincer la porte d’entrée du voisin. Un réflexe d’autodéfense m’a fait bondir, tout en moi me hurlait de fuir, de m’enfermer dans ma chambre. Mais dans cette chambre il y avait la fenêtre, cette fenêtre qui donnait sur celle de la maison d’un faux Père Noël ! A partir de cet instant, j’ai su que je devrais affronter mes peurs pour retrouver la paix !

Jour +8 après mon éveil dans un asile

J’ai d’abord regardé à travers l’entrebâillement de la porte : je n’y voyais rien, si ce n’était les braises orangées dans le foyer de la cheminée. J’ai poussé la porte et…vide, le salon était vide, le vieillard avait tout repris ! Quand ? Sûrement pendant ma sieste causée par les somnifères. Une épaisse couche de poussières recouvrait le sol. Je fus étonné de l’absence de traces de pas. Mais une chose m’a confirmé que je ne n'avais pas rêvé : des paquets d’autocollants de noël gisaient à terre.

Je me suis approché, j’ai voulu en ramasser un et… j’ai vu que du sang séché les collait entre eux. Il y avait aussi des touffes de cheveux, des ongles arrachés, des morceaux de peau flétrie. Ce qui m’a aussi choqué c’était que les autocollants étaient tous jaunâtres, vieux, écornés, comme s’ils avaient appartenu à l’ancien propriétaire devenu fou. Dans le foyer de la cheminée s'amoncelaient des os brisés, des mains, de petits pieds. Je me suis vidé, j’ai vomi mes tripes sur les autocollants puis je me suis mis à entendre des rires, des rires d’enfants suivis de tapotements de pieds sur le plancher. Ça venait du couloir qui s’enfonçait vers le fond de la maison. Deux voix aux échos métalliques m’ont appelé à l’aide, m’ont demandé de venir les sauver du père Noël gris. Ces voix résonnent encore aujourd’hui dans ma tête, je…je vais me reposer, elles finiront par s’effacer...

Jour +9 après mon éveil dans un asile

Malgré la peur et les nausées, j’avais décidé de sauver les enfants, j’avais décidé de prouver à ma mère que je n’étais pas cinglé. Alors je me suis avancé vers le couloir ; on n’y voyait pas grand-chose, l’électricité avait été coupé. Toutefois, un reste de lumière passait à travers la fenêtre du salon. Il y avait quatre pièces, deux à gauche, deux à droite. Les appels à l’aide venaient de la première pièce sur ma droite. Une lumière rougeâtre passait sous le jeu de cette porte. C’était mon épreuve, ma dernière épreuve et après je sentais que tout irait bien mieux. J’ai posé ma main sur la poignée puis je l’ai tournée, entendant avec frayeur les cliquetis métalliques se mélanger aux grincements des gonds de la porte.

Pendue à un fil dénudé, une ampoule diffusait la lumière rouge dans la pièce ; les rires s’étaient tus, les petits pas de pieds aussi. Des cartons s’empilaient contre les murs. Au milieu de la pièce, des vêtements jonchaient le sol et sur ces vêtements, une horreur a failli encore me faire vomir : un pied d’enfant sectionné à la cheville, un putain de pied d’enfant ! J’ai hurlé, mais je n’ai pas bougé. Je tenais enfin une preuve que je n’étais pas victime d’hallucinations ! J’ai fini par retrouver un semblant de courage et si je n’ai pas osé prendre le pied, j’ai saisi les vêtements et me suis enfui à toutes jambes !

Dans la cuisine, ma mère préparait le dîner du réveillon. Son visage est devenu livide quand je lui ai crié que j’avais retrouvé des morceaux d’enfants disparus ! Puis je lui ai montré les vêtements et après les avoir examinés, elle a froncé les sourcils. Elle m’a alors demandé ce que je foutais avec les affaires de ma sœur ! J’ai balbutié que c’était impossible, qu’elle se trompait, qu’elle mentait pour faire de moi un fou ! Puis, avant de m’évanouir, j'ai entendu des cloches dans mes oreilles ou peut-être non, c’était des grelots, je suis sûr que c’était des grelots, ceux du Père-Noël gris !

Je…je vous raconterais la suite demain. Je viens d’apprendre que je sortais de l’asile dans une semaine. À 71 ans les médecins ont jugé que je n’étais plus dangereux. Mais je n’ai jamais été dangereux, jamais, comme va le confirmer la fin de mon histoire.

Jour J de la vérité

Ma petite soeur est venue me réveiller un peu après minuit. Le père Noël est passé, le père Noël est passé ! m’a-t-elle répété plusieurs fois. Ma mère se tenait à côté d’elle et m’offrait un regard compatissant. Elle m’a demandé si ça allait ou si je préférais me reposer. Avant de lui répondre, je me suis levé et j’ai regardé par la fenêtre : l’obscurité s’étendait derrière la grande vitre du voisin. J’ai attendu un peu, rien n’est apparu. Ma petite soeur m’a alors pris la main et nous sommes descendus. Mon frère commençait déjà à déballer son cadeau. J’ai ravalé ma salive, je me suis dit que rien de terrible ne pouvait sortir de ce cadeau. Je revois encore ses doigts soulever le couvercle de son cadeau, j’aperçois la couleur rouge sang de…de…de son camion de pompier. Je fus soulagé, un long rire m’a pris aux tripes et j’ai ri, ri, un rire à n’en plus finir ! Comprenez-moi, j’étais tellement soulagé que tout redevienne enfin normal, oui normal !

Et puis ma sœur a déballé son cadeau ; c’était une poupée. Certes, elle était belle sa poupée avec sa robe fleurie, ses chaussures vernies, ses chaussettes blanches, ses bouclettes blondes, mais ses yeux, oui ses yeux étaient exorbités et son affreuse bouche grimaçait des mots grossiers !

Je l’ai arrachée des mains de ma soeur qui s’est mise à pleurer. Ma mère l’a repris, m’a dit qu’elle en avait marre de moi, que je finirais comme mon père, à l’asile ! Je lui ai répondu que la poupée était maléfique, qu’elle avait le regard exorbité comme le vieux voisin ventru. Elle m’a alors répondu qu’il n’y avait jamais eu de voisin, que la petite maison était abandonnée depuis 10 ans ! Je ne l’ai pas cru, je lui ai hurlé qu’elle mentait, puis je suis remonté dans ma chambre et me suis jeté par terre en frappant le sol de mes poings. C’est là que j'ai vu une boîte sous mon lit.

Elle était tout en métal cette boîte, d’un métal un peu rouge qui brillait de lueurs écarlates sous la lampe. Je l’ai prise et me suis assis sur mon lit. Après avoir soulevé le couvercle, j'ai découvert un couteau dont la lame brillait aussi de reflets rouges. Elle était belle cette lame, très belle, on aurait le couteau à papa. Puis des cognements contre ma fenêtre m’ont fait me retourner vivement. C’était lui, c’était le voisin ventru, le père Noel gris ! Je revois encore son long visage gris à travers la vitre, ses yeux exorbités, sa barbe grise, son chapeau gris à pompon, sa bouche remplie de dents désordonnées. « Joyeux Noël » me disait-il d’une voix vieillotte, joyeux Noël mon Édouard !

La rage a vaincu ma peur. J’en avais marre de lui, je…je voulais le tuer, le massacrer ! J’ai saisi le couteau, me suis approché pas à pas de la fenêtre. Lui ne bougeait pas, son sourire morbide déformant son affreux visage. L'espace d'un instant, j'ai cru, enfin je n’en suis pas sûr, mais j’ai cru entrapercevoir le visage dément de mon père quand il faisait une crise de paranoïa. Mais ça ne pouvait être lui, il s’était suicidé l’an dernier avec son couteau, ce n’était pas lui, c’était bien le père Noel gris !

Plus je m’approchais, plus cette horreur arrêtait de sourire. Il devait sentir que j’étais capable de le massacrer, de lui enfoncer mon couteau à travers les joues ou dans le cou. Son visage a cessé de sourire, paraissait même de plus en plus inquiet avant que sa bouche ne s’arque d’un rictus haineux. C’est alors qu’il a utilisé sa sale magie de Noel, c’est alors que son visage a changé, que son visage a pris les traits du mien pour finir par me ressembler. Ce que je voyais maintenant c’était le reflet de mon visage dans la vitre !

Derrière moi, ma mère a hurlé. Je me suis vivement retourné. Elle ne me regardait pas, elle regardait mon bras, ma main tenant le couteau. Elle criait si fort que j’en avais mal au crâne, à l’âme, partout dans le corps. Je lui ai dit de se taire mais elle a continué à crier ! Je me suis encore approché et.. et la voix du père Noël gris m’a ordonné de le faire, m’a ordonné de la tuer. Au moment où elle a voulu redescendre l’escalier je…je lui ai attrapé le bras et…je ne sais plus trop ce qui s’est passé, mais je me souviens des lueurs écarlates, plein de lueurs écarlates qui scintillaient autour de moi…C’était magnifique, c’était…c’était ça la magie de Noël…

Voilà, comme vous pouvez le constatez je ne suis pas coupable, tout est de la faute du père Noël gris.

Asile, jour J

Je vais être libéré dans quelques heures… je suis très content, le fait d’avoir écrit tout ça a ôté un poids de mon âme. J’ai eu la joie d’apprendre qu’avant de mourir ma mère m’avait laissé de l’argent qui a fait beaucoup de petits sur un compte épargne. Je vais pouvoir m’acheter une maison. Je ressens le besoin de retourner aux sources, de reprendre le cours normal de ma vie, là où elle s’était arrêtée des dizaines d'années plus tôt. J’espère que la maison du voisin ventru n’a pas été détruite, qu’elle est toujours à vendre, car je ressens le besoin d’y finir mes jours.

Les médecins m’ont laissé me regarder dans un miroir. Comme j’ai changé depuis l’adolescence. J’ai une longue barbe blanche, des grosses joues et un gros ventre. Avec un bel habit de lueurs écarlates et un bonnet de la même couleur, je crois que je ferai un formidable père Noël. Je trouve mes yeux un peu gros, un peu exorbité, mais ce n’est pas grave, je les cacherai derrière des lunettes rondes.

J’ai hâte d’être à Noël, j’ai hâte de me déguiser, j’ai hâte que des petits garçons et des petites filles viennent s'asseoir sur mes cuisses. J'espère juste qu'ils ne trouveront un pied ou une main dans les cadeaux que je distribuerais sur la place du village...


- FIN -

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mercredi 24 octobre 2018

Présentation de la couverture



Voici la couverture de "les effrayantes histoires d'un enfant". Il reste des détails à peaufiner mais la base est présente. Pour celles et ceux qui veulent (re)découvrir la première partie de l'histoire, cliquez sur la photo du dessous. Bonnes vacances.





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lundi 8 octobre 2018

Microcreepy 4 - Les fantômes n'existent pas



Bonjour ! Avec un peu de retard, je vous présente la microcreepy ayant recueilli le plus de votes sur Twitter la semaine dernière. Avec 20 votes, voici celle qui remporte la palme :

- Maman ?
- Oui ma puce ?
- Est-ce que les fantômes ça parlent ?
- Bien sûr que non car les fantômes n'existent pas.
- Pourtant, le soir, dès que tu refermes la porte de ma chambre, papa me chuchote à l'oreille : " ta mère m'a tué, ta mère m'a tué" 

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Un creepy sur le jeu Pierre Papier Ciseaux Massacreur ?




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dimanche 30 septembre 2018

Microcreepy 3 - L'autre côté




Bonjour ! Chaque week-end, je vous présenterais la microcreepy ayant recueilli le plus de votes sur la semaine écoulée. Voici celle qui remporte la palme avec 15 votes :

Quand je suis rentré chez moi, je n'ai pas retrouvé mes affaires à la même place. Mon canapé était gauche de la télévision au lieu d'être à droite, pareil pour mon lit. Le pire a été leur reflet dans le miroir : ils étaient à la bonne place. 

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Un creepy sur les clowns ?





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dimanche 23 septembre 2018

Bozo le clown défiguré




Un creepy un peu particulier puisqu'il se déroule sur twitter. Il s'agit de l'histoire de Bozo le clown défiguré. Consultez toute la première partie sur twitter, d'autres suivront selon mon temps libre.

Voici le premier tweet.

1.J’avais cinq ans quand ma sœur m’a jeté de l’huile bouillante. Brûlé au 3e degré, les chirurgies ratées ont plastifié mon visage et mon sourire. Je suis devenu clown pour me cacher derrière le maquillage. Dans le public, une salope ressemble à ma sœur…

Consultez tous les 12 autres tweet de l'histoire sur mon compte Twitter en cliquant sur l'héroine de cette macabre histoire...



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dimanche 16 septembre 2018

Microcreepy 2 - Les rires du clown



Mes gaffes et mon nez rouge ont toujours fait tordre de rire les enfants. C'est sans doute pour ça que les plus bêtes m'ouvrent facilement la fenêtre de leur chambre. C'est alors à mon tour de me tordre de rire.

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dimanche 9 septembre 2018

Etat de stase



La première fois que je l’ai vu, la mère de mon pote portait des lunettes noires. Grande et fine, les cheveux corbeau, le teint sombre, les traits sévères, elle m’impressionnait, d’autant plus que je la regardais comme un type venant d’apprendre qu’elle était d’une certaine façon, morte.    

Assise sur le canapé de leur salon, les mains sur les cuisses, le dos droit, des lunettes noires posées sur son joli petit nez, Mélissa regardait fixement un point au-delà de moi. J’étais assis face à elle, sur un des deux fauteuils du salon, mon pote occupant l’autre fauteuil.

Je suis resté une bonne minute à la dévisager en me remémorant son histoire. Je me suis dit que c’était impossible, qu’elle ne pouvait pas être morte à certains moments de la journée comme l’avait affirmé Aurélien, son fils. De grosses mouches vertes bourdonnaient autour de son visage et une odeur âcre se répandait dans la pièce. Le tic-tac de l’horloge de la cuisine ajoutait un bruit inquiétant à l’atmosphère glaciale du salon.

- C’est cool non ? m’a dit mon pote.
- Elle…elle est en état de stase, c’est ça ?
- Ouais, ça peut lui prendre n’importe quand. Elle s’assoit et ne bouge plus, sa peau devient jaune, elle commence à puer mais l’essentiel, c’est qu’elle M’OBEIT !
- Je…je ne te crois pas.
- Combien tu paries ?

J’ai haussé les épaules, je n’avais rien à parier.

- Si je dis vrai, tu me fais mes devoirs jusqu’à la fin de l’année ?

On était en mai et il ne restait qu’un mois avant la fin des cours. J’ai donc accepté.  

- Super ! Alors je lui demande quoi ?
- Ce…ce que tu veux, ai-je balbutié.
- OK. Maman, lève ton gros cul !

Elle s’est levée assez sèchement, comme un automate. Aux bourdonnements incessants des mouches se sont rajoutés les craquements de ses articulations. Si mon pote a poussé un petit rire idiot, j’ai étouffé un cri.

- Maman, lève un genou ! lui a-t-il ordonné.

C'est ce qu’elle a fait. Elle portait une jupe assez courte et j’ai découvert les coutures de son bas-nylon ainsi que le haut jaunâtre de sa cuisse. C’était à la fois dégoûtant et... plutôt excitant pour un jeune homme de quinze ans.

- Maman, va nous chercher un verre de lait !

Elle a reposé son pied au sot et a obéi.

- Un verre de lait ?
- Oui, car si je lui avais demandé un verre de whisky, elle se serait réveillée.
- Comment ça ?
- Quand ma mère est dans son état de stase, je peux lui demander plein de trucs à condition que ça ne la choque pas. Sinon, elle se réveille et redevient mon insupportable mère. Si tu la connaissais mieux, tu verrais qu’elle est plus sympa morte que vivante.

Je connaissais Aurélien depuis l’école primaire et je n’avais entraperçu sa mère qu’à deux ou trois reprises, lors des réunions parents-profs. Je me souviens qu’elle lui tenait toujours fermement la main, le tirait assez sèchement par le bras dès qu’il s’écartait un peu. Sa mère avait toujours refusé d’accueillir ses copains dans sa grande et luxueuse demeure, jusqu’à moi, ce jour. La veille, Aurélien m’avait raconté une histoire assez peu crédible. J’ai voulu la vérifier et je dois avouer avoir eu tort d'en douter.

Mélissa est revenue avec les verres de lait et les a posés sur la petite table en verre qui séparait le canapé des fauteuils. On a trinqué et on a bu à la santé de la défunte temporaire.

- Je ne connais pas les détails de son séjour en Inde, mais je ne remercierais jamais assez le type qui l’a rendu comme ça.

Ça m’a ramené à l’histoire de la veille. Il y a un mois, sa mère est partie en Inde pour un séjour méditatif dans un temple bouddhiste. Suivie par des psys après sa première tentative de suicide, c’était le dernier recours avant l’internement. Si Aurélien était émerveillé de son changement, moi, j’en étais plutôt effrayé. Il m’a chuchoté à l’oreille que sa mère le frappait. Il ne l’a jamais dénoncé à la DASS car il ne voulait pas vivre dans une famille d'accueil, son père étant mort d’une chute dans les escaliers de cette grande demeure. L’intérieur de sa grande maison était vraiment splendide avec tout un tas de dorures et un carrelage étincelant. 

- Quand elle se réveille de son état stase, elle est toujours aussi nerveuse ta mère ?
- Non, elle est beaucoup plus calme qu’avant, m’a-t-il répondu, trop même.
- Comment ça ?
- Ouais, elle a toujours envie de baiser.
- Hein ?
- T’es pas majeur, t’as pas à savoir gros vicieux, s’est-il marré.

Ayant une peur maladive des filles et encore plus des femmes, j’ai eu honte d’apprendre ça, les choses de l’amour me gênant beaucoup. Toutefois, je ne pouvais m’empêcher de regarder le corps étrange de cette femme mature. Même dans cet état, elle était très désirable. Sa taille et son maquillage foncé me firent penser à Morticia de la famille Addams.

- Et pourquoi elle a des lunettes noires ? lui ai-je demandé.
- Oh ça, c’est moi qui les lui mets à cause de ses yeux.
- Ses…yeux ?
- Ouais, si tu les voyais, tu te sauverais d’ici en courant.

Dans mon souvenir, elle avait de magnifiques yeux verts en forme d’amande.

- Tu veux les voir ?

Il n’a pas attendu ma réponse, s’est levé de son fauteuil et a été retiré les lunettes noires. Cette fois, j’ai crié. Deux globes oculaires sortaient de leurs orbites et le blanc de l’œil avait viré au rouge sanguinolent.

- Alors, elle est pas belle ma mère ?
- Remets-les ! lui ai-je ordonné apeurer.

Il s’est marré en s’exécutant avant de me dire :

- Tu veux lui toucher les seins ?
- Quoi ?
- Ouais, tu vas voir, on dirait des éponges tellement c’est flasque.

Il s’est penché et du bout de l’index a appuyé sur un sein à travers son chemiser noir. Le bruit spongieux l’a fait rire, comme si ses seins avaient la consistance d’une éponge imbibée d’eau. J’ai trouvé ça dégradant de toucher les seins de sa mère, et pourtant, j'ai éprouvé une sorte de fascination dans cet acte.

- Allez, vas-y, essaie, m’a-t-il encouragé.
- Sûrement pas !
- Quoi, elle ne te plait pas mère ? s’est-il faussement fâché.

Bien sûr qu’elle me plaisait sa mère, mais pas dans cet état morbide :

- Elle me fait peur.
- Bah t’a qu’à fermer les yeux et t’imaginer qu'elle est comme avant. Allez grouille, elle ne va pas tarder à se réveiller.

Il ne faut pas oublier que je n’avais que 15 ans et toucher les seins d’une femme, était pour ainsi dire le Saint Graal pour un ado aussi complexé que moi. Je l’ai donc pris comme un pari et après m’être assis à côté d'elle, j’ai approché une main du chemisier quand…

- Hé, j’rigolais s'pèce de porc ! m’a dit Aurélien en me poussant par l’épaule
- Moi aussi ! ai-je feinté.

Quelques secondes plus tard, les mains de sa mère se sont crispées contre ses poignets, ses doigts se sont recroquevillés dans ses paumes. Elle a commencé à trembler comme si elle faisait une crise d’épilepsie puis elle est tombée assez sèchement. Le bruit de sa tête a fait un drôle de bruit contre le carrelage. 

- Tu ferais mieux de déguerpir avant qu’elle ne t’arrache les yeux, car elle déteste les étrangers ! s’est-il marré.

Impressionné par cette scène, je suis rentré chez moi en courant comme un dératé. J’ai dû rassurer ma mère en disant que j’avais fait un jogging avec Aurélien puis je suis monté dans ma chambre. Une fois calmé, j’ai ouvert mon PC portable et j’ai lancé tout un tas de recherches sur l’état de stase. Absolument rien ne le reliait à la pratique de la méditation et le seul point en commun avec Mélissa était une sorte d’état végétatif qu'on appelait le Nirvana. Aucun article ne mentionnait l’obéissance du sujet dans cet état.

Il n’était pas loin de minuit quand j’ai abandonné mes recherches. D’habitude, le dimanche matin, je fais la grasse matinée, mais ma nuit avait été mouvementée par des cauchemars où je voyais la mère d'Aurélien m’arracher les entrailles après m’avoir initié à l’amour.

Je me suis donc levé vers les 7 heures. J'avais vraiment la tête dans le cul. En repensant la scène de la veille, une étrange idée m’est venue à l’esprit : et si la mère d’Aurélien était morte en Inde ? Si elle avait succombé à quelque chose d'anormal et que le maître du temple bouddhiste l’avait réanimé sans toutefois y parvenir totalement ? Une partie d'elle vivrait dans l'au-delà tandis que l'autre serait toujours dans la réalité ? Oui, c’était un raisonnement complètement dingue, mais pour moi c’était la seule explication à ce phénomène irrationnel. Il fallait absolument que j’en parle à Aurélien !

Mes parents dormaient encore quand j’ai quitté la maison à 8 heures. J’ai marché rapidement jusqu’à la maison de mon pote située à cinq minutes de la mienne. Un peu avant d’arriver, je l’ai vu monter dans une voiture. Je l’ai appelé, mais il ne m’a pas entendu. La voiture s’est rapidement éloignée. J'avais oublié que le dimanche matin il jouait au foot.

J’ai longuement hésité avant d’entrer dans le grand jardin qui entourait la demeure. J’avais sans doute besoin de m’assurer que ce que j’avais vu la veille n’était pas une mise en scène orchestrée par mon pote. C’était complètement stupide de penser ça, car je voyais mal sa mère se prêter à ce jeu débile, mais je devais sans doute me trouver une excuse pour valider ce que je m'apprêtais à faire.

Penché en avant, j’ai trottiné jusqu’à la fenêtre de la cuisine et j’ai discrètement passé un œil à travers la vitre : j’ai entraperçu le battement d’un peignoir rose, sa mère venant de quitter la pièce. Je connaissais mal la maison et j’ai joué au voyeur sur plusieurs fenêtres sans l’apercevoir. Il ne me restait plus que la grande baie vitrée du grand salon. Le bruit d’un aspirateur m’a confirmé qu'elle s'y trouvait. De biais par rapport à la baie vitrée, j’ai vu un fil électrique serpenter sur le carrelage blanc. Comme le fil s’étirait, j'en ai conclu qu'elle devait s’éloigner vers le fond du salon.

Poussé par une curiosité malsaine, j’ai plaqué mon corps contre la grande vitre, les mains autour des yeux. J’ai eu un choc en voyant sa mère passer l’aspirateur au plafond. Ses gestes erratiques étaient inquiétants. Mais quelque chose a adouci mon inquiétude : son peignoir était largement ouvert au col et j’apercevais le ballotement magnifique des seins. De plus, le peignoir était assez court et je voyais aussi l’intégralité de ses cuisses dorées. J’étais à la fois charmé par sa beauté et inquiet de la voir aspirer le plafond.

Elle a tourné sèchement la tête. Son regard noir m’a terrifié avant qu’un petit sourire n’adoucisse son visage. Pétrifié, je ne savais plus quoi faire. Elle a lâché le manche de l’aspirateur puis s’est doucement avancée vers moi, un petit sourire sadique figé au coin de ses lèvres pulpeuses. Elle a doucement tourné la poignée de la baie vitrée, l’a tiré pour la faire coulisser avant de me dire d’une voix sensuelle :

- Ça te dirait de t’allonger avec moi sur le canapé ?

J’ai difficilement ravalé ma salive, j’avais l’impression de nager dans un rêve. Ou un cauchemar si je repensais à la scène de l’aspirateur au plafond.

Elle n’a pas attendu ma réponse et a rejoint le canapé avec un déhanchement excessif. Je voyais ses fesses danser sous l’étoffe, c’était la plus belle chose que je n'avais jamais vue en vrai. En s’asseyant, elle a carrément ouvert son peignoir, me dévoilant l’intégralité de sa splendide poitrine. La veuve noire avait terminé de tisser sa toile et sa proie était prête à tomber dans son piège.

Après une dernière hésitation, j’ai pénétré dans le salon et me suis assis sur le canapé, laissant un bon mètre entre nous. Elle s’est aussitôt collée à moi et du bout de l'index a lissé le pourtour de mes lèvres. Le contact était anormalement froid.

- Tu sais, il ne faut pas croire tout ce que t’as dit mon fils.
- Comme…quoi ? ai-je balbutié.
- La mort, la vie, la haine, l’amour, tout ça.

Sa voix était chaude, magnifiquement sensuelle. Quand j’y repense, je n’étais pas vraiment là pour débattre avec Aurélien de ma théorie sur la résurrection à temps partiel de sa mère, mais pour vérifier son propos sur l’activité sexuelle de sa splendide génitrice.

- Je…je ne vous comprends pas.

Son doigt a quitté mes lèvres et a lissé mes joues. Le toucher était toujours aussi froid, mais très agréable, très doux. Des petits coups d’œil discrets sur ses magnifiques seins empêchaient toutes pensées rationnelles. À mon tour, je n’étais plus qu’un grand frisson désirant assouvir des désirs forts légitimes pour un jeune homme qu'une femme mature pouvait décomplexer.

- Ce n’est pas grave, tu le comprends sans doute plus tard, quand j’aurais fait de toi un homme.

Sa main s’est alors doucement fermée sur mon cou. J’aurais dû réagir, mais je n’ai fait que pousser d’ineptes gargouillis, regardant comme un niais ses beaux nichons aux tétons dressés. Je dois l’avouer, je serais resté des heures entières à les mater et je n’avais encore pas conscience que la veuve noire était entrée en action et que ma vie était vraiment en danger.

Elle m’a lâché le cou en poussant un petit rire strident. Trente secondes plus tard, j’étais allongé sur le canapé, le jean et le caleçon à mi-cuisses, sa tête entre mes jambes, me suçant avidement l’instrument à plaisir. Inutile de vous expliquer mon ressenti, bien que sur la fin ses mordillements ont empêché ma jouissance. Puis elle s’est levée, a fait tomber son peignoir, est montée sur moi et m’a fait l’amour en dandinant son bassin d’une façon voluptueuse au début, plus brutale ensuite. Le contact était glacé entre ses cuisses, ses mouvements saccadés m’empêchaient d’atteindre le paradis. J’ai alors compris qu’elle faisait durer son plaisir, se servant de moi comme bon lui semblait. Elle poussait d’adorables petits cris, mais des sons gutturaux ont fini par prendre le relais.

Une ombre a glissé sur sa peau qui s’est progressivement assombrie. Ses paupières ont disparu au fur et à mesure que ses yeux grossissaient. J’ai hurlé en me débattant, mais impossible de m’échapper, j’étais prisonnier de ses cuisses. Ses seins se sont comme dégonflés, un liquide jaunâtre a suinté de ses tétons, des gouttes huileuses sont tombées sur mon torse. C’était dégueulasse, j’avais envie de vomir, surtout qu’une odeur nauséabonde se répandait sur moi comme une épaisse tartine de gélatine. Mélissa s’est alors penchée pour m’embrasser, ses yeux globuleux fixés sur mon visage. Elle a ouvert la bouche et a sorti une langue verdâtre. Dessus, des asticots gigotaient nerveusement.

Horrifié, j’ai tourné la tête et j’ai senti sa langue glisser sur ma joue, sentant aussi le chatouillement des vers. Son corps s’est mis à trembler et elle a poussé une suite de cris rauques. Quand son sexe s’est contracté, j’avoue aussi avoir joui. Anesthésié par le plaisir, je n’ai pas immédiatement senti ses dents s’enfoncer dans ma joue.

Je ne sais pas comment j’ai réussi à me défaire de son emprise. Ma dernière vision a été celle d'un cadavre qui mâchait frénétiquement mon morceau de joue. Puis je ne sais plus trop ce qui s’est passé, comment je suis arrivé chez moi, la durée de mon séjour à l’hôpital psychiatrique. Mes jours, mes nuits étaient hantées par d’affreux cauchemars et je délirais dès que mes médicaments ne faisaient plus effet. 

Peu après ma sortie de l’hôpital, j’ai appris la disparition d’un de mes copains. J’ai pensé qu’il avait fait une fugue, car c’était un type instable. Aussi, je n’avais pas porté plainte contre la veuve noire, ne me voyant pas dire aux flics que j’avais été dépucelé par un cadavre en décomposition.

Le déménagement précipité de mon meilleur pote a coïncidé avec une seconde disparition, celle d’un jeune homme du lycée voisin. Des mois durant j’ai suivi cette affaire, mais les corps des deux disparus n’ont jamais été retrouvés. Je n'ose imaginer ce qui leur est arrivé. Je me sens si lâche de ne rien avoir dit aux autorités et je préfère penser que ce sont juste des fugueurs qui ne veulent plus revoir leur famille.

Encore aujourd’hui, je me pose deux questions : pourquoi ne suis-je pas mort entre les pattes de la veuve noire ? Est-ce qu'Aurélien m’a sauvé de ses griffes ? C’est ce que je m’efforce de croire quand j’éteins ma lumière, mais aussitôt, je sens le poids d’un cadavre peser sur mon bassin. 
  

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