Pierre-Papier-Ciseaux. Le
papier enveloppe la pierre, la pierre casse les ciseaux, les ciseaux coupent le
papier. Qui n’a jamais joué à ce jeu quand il était gosse ? Pierre, Papier, Ciseaux,
ça me rappelle de bons souvenirs, et un horrible, vraiment horrible.
J'ai toujours défendu à
mes enfants de jouer à ce jeu, mais ces derniers jours j'ai appris que mon fils
Henri se faisait intimider et voler des affaires. Alors j’hésite à faire appel
à lui. Vous ne savez pas de qui je parle ? Je m’explique.
Le début de mon
histoire remonte au printemps 76. J’avais dix ans à cette époque. J’étais très
timide, peu sociable et je n’avais pas de vrais copains à l’école. On peut dire
que j'étais un gamin solitaire, je me retrouvais souvent seul à la récré malgré
les trois cents têtes de pipes qui couraient partout dans la cour de récréation.
J’ai longtemps été
victime de racket. Deux redoublants de sixième année qui mesuraient trois têtes
de plus que moi venaient souvent me faire les poches. L’un s’appelait Billy et
l’autre Big Duck qui en plus d’être con, avait le malheur d'être mon voisin.
Le jour où tout a
commencé était un jour comme les autres. Billy et big Duck sont venus me
réclamer mon sandwich et des cartes de jeux à la mode. Ce matin-là, j’étais arrivé
en retard à l'école et je les avais oubliés. Dans un coin reculé de la cour de
récré, j’ai reçu quelques baffes et j’ai mangé un peu d’herbe. Ils sont
repartis en rigolant et moi, j’ai tenté de faire bonne figure en me relevant et
en montrant aux spectateurs que je n’avais pas mal. L’attroupement s’est
dissipé sous les rires et les moqueries habituelles. C’est à cet instant précis
que je l’ai vu.
Les cheveux filasse, la
tignasse ébouriffée, les traits et le nez fins, ses grands yeux bleus avaient
une intensité hypnotique. Il m’a tendu la main et m’a dit s’appeler Sasha. Le
timbre métallique de sa voix sonnait bizarrement. Il portait un bermuda déchiré
aux cuisses et une chemise blanche pleine de taches. Après l’avoir longuement
dévisagé, j'ai fini par lui serrer la main et lui ai dit que je m’appelais
Ricky. Sa main était froide et moite. La sonnerie de la fin de la récré nous a
séparés. Une chose était sûre : je n’avais jamais vu ce gamin à l’école.
Pendant la récré de l’après-midi,
Sasha est revenu me voir et m’a proposé de jouer avec lui. J’ai hésité, car il
me faisait un peu peur. Sa tête m’évoquait une poupée malsaine avec des pommettes
saillantes et des lèvres d'un rouge vif. Sa peau était pâle et de petites
veines bleuâtres zigzaguaient sous ses yeux. Il était plus petit que moi, je
lui donnais huit, peut-être neuf ans. Je me souviens aussi de quelque chose de
très étrange : quand je le regardais, j’avais l'impression que plus rien d'autre
n’existait autour de nous.
Il m’a emmené jusqu’au
fond de la cour, sur un bout de pelouse caché entre deux saules pleureurs. Près
du grillage, à l’abri des regards, on s’est assis en tailleur. Nos genoux s'effleuraient,
leur contact était glacial.
De sa petite voix
discordante, il m’a proposé de jouer à Pierre Papier Ciseaux. Ses yeux grands
ouverts attendaient ma réponse avec impatience. Il semblait très excité à
l’idée de jouer à ça. Après tout ce n’était qu’un gosse chétif, pourquoi
aurais-je eu peur de jouer avec lui ? J’ai donc accepté.
On a mis une main dans le
dos, on a fait notre choix puis on a dit la formule « Pierre Papier Ciseaux ».
J’avais choisi le papier et lui la pierre. Comme le papier enveloppe la pierre,
j’ai gagné. Sa défaite l’a rendu fou de joie, il s’est mis à rire en se tenant
le ventre. Son rire était métallique. C’était effrayant. J'étais vraiment mal à
l’aise, il avait perdu et ça le rendait fou de joie. À la fin de son
interminable rire, je l’ai entendu murmurer : « C’est mon jour de
chance, c’est ma nuit de joie ! » J’en ai conclu qu’il était complètement
taré et j’ai voulu me barrer, mais il m’a fermement agrippé le poignet. Sa main
était glaciale. Il s’est excusé et, comme je n’avais rien d’autre à faire que de
m’ennuyer, on a continué à jouer.
Chaque fois que je
gagnais, Sasha poussait un gloussement très bref et très désagréable. Je ne me
rendais pas compte que je gagnais à tous les coups, comme si Sahsa connaissait
mon choix à l'avance. Soudain, il s’est arrêté de jouer et m'a parlé de ce qui
s'était passé ce matin avec Billy et big Duck, qu’il était anormal que de
grands cons me volent mes affaires. Je lui ai répondu que ce n’était pas son
problème. Il m’a répondu qu’avant de venir dans cette école, il se faisait lui
aussi racketter. Un jour, il a trouvé une solution très simple et terriblement efficace.
Curieux, je l’ai écouté sans l’interrompre. À la fin de son explication, je lui
ai demandé s’il ne se foutait pas de ma tronche. Comme réponse, son sourire
s’est élargi et j’ai sursauté quand j’ai découvert deux rangées de petites
dents noires et pointues. J’ai aussitôt baissé les yeux et j'ai regretté d'être
ami avec lui.
Pourtant j'ai cédé, j'ai
accepté sa solution. En fait, selon Sasha, c’était très simple de me débarrasser
de Billy, il me suffisait simplement de penser à lui en jouant une partie de
Pierre Papier Ciseaux. J’ai joué et…pas lui. Les yeux écarquillés, il regardait
la pierre formée par mon poing. « Continue, a-t-il piaillé, joue pour big Duck,
joue big Duck ! C’est ce que j’ai fait, j’ai joué en pensant très fort à
big Duck. J’avais choisi la paire de ciseaux. C’est alors qu’une chose
effrayante est survenue : le bout d’une langue violacée a surgi entre ses
dents. Je me suis sauvé à toutes jambes…
En rentrant chez moi,
je me posais plein de questions sur Sasha : dans quelle classe était-il ?
Où habitait-il ? Pourquoi voulait-il m’aider et surtout pourquoi sa langue
était violette et ses dents horriblement noires ?
Une fois à la maison,
je me suis jeté sur mon quatre heures. Ma mère m’a alors demandé une chose
vraiment très étrange, une chose qu’elle ne m’avait jamais demandé auparavant :
avais-je joué à Pierre Papier Ciseaux ?
J’ai mal dormi cette
nuit-là. Je me réveillais en sursaut, je croyais entendre le rire glaçant de
Sasha et des craquements près de mon lit. Était-ce réel ou non, je n’en savais
rien. Comme dans la plupart des maisons américaines, ma chambre n’avait pas de
volets. À chaque pleine lune, une lumière pâle rendait mes meubles et mes murs
grisâtres. Quand le vent soufflait, les ombres des branches dansaient sur les
murs d’une façon effrayante. Cette nuit-là, le vent soufflait fort et je
n'avais pas tiré les rideaux. Un bruit sourd m’a tiré de mon sommeil léger,
j’ai eu l’impression qu’une tête avait frappé violemment un mur. Comme si cela pouvait
me protéger, j’ai bondi du lit et j'ai couru pour tirer les rideaux. C’est à ce
moment-là que j’ai entendu très distinctement le tapotement d’ongles contre la
vitre de la fenêtre. Une petite voix discordante a alors soufflé près de
moi : « Ricky a joué, Ricky a gagné, les gros porcs vont crever ! »
J’ai hurlé, ma mère a
accouru dans ma chambre, m’a demandé ce qui se passait en me berçant
contre elle. Je lui ai qu’un petit enfant avec des dents noires voulait me
faire du mal. Elle a fouillé mon placard, a regardé sous mon lit avant de me dire
que j’avais sûrement fait un cauchemar. Puis elle m’a bordé et m’a caressé les
cheveux pour m’endormir. Étrangement, elle ne me regardait pas, elle scrutait
ma chambre comme si elle cherchait quelque chose ou quelqu’un. Je ne la sentais
pas plus rassurée que moi. Elle est retournée se coucher en laissant la porte
de ma chambre ouverte.
Je n’aimais pas dormir
la porte ouverte car depuis mon lit, je voyais le couloir et tout au bout de ce
couloir, il y avait une fenêtre où s'agitaient de sombres silhouettes. Bon, je
savais très bien que c’était des branches, mais la nuit, quand il fait sombre, était-ce
vraiment des branches ? J’ai fini par m’endormir aux premières lueurs du jour,
un peu avant que ma mère ne vienne me réveiller pour prendre mon petit-déjeuner.
J'étais crevé.
Il s’est passé quelque
chose d'horrible dans la cour de récréation. J’ai entendu un hurlement qui
provenait de l’emplacement où nous avions joué la veille avec Sasha, c’est à
dire sous les deux saules pleureurs. Un petit garçon y est sorti en courant.
Ses mains, son visage, ses habits étaient couverts de sang. J’ai alors fait
comme tous les écoliers qui ont vu ce gamin, j’ai hurlé en courant jusqu’au
préau.
Une semaine plus tard, après
la réouverture de l’école, on a appris que Billy était mort dans de terribles
circonstances. Pour préserver ma sensibilité, ma mère ne voulait pas m’en dire
plus. Cependant, certains parents n’étaient pas aussi précautionneux qu’elle et
une rumeur a vite enflé dans la cour de récré : Billy aurait été massacré
à coups de pierre et il ne resterait de son corps que des touffes de cheveux et
une bouillie sanguinolente mélangée à ses vêtements. Certains élèves disaient que
Billy avait été massacré par un monstre de pierre avec de longues dents noires.
Beaucoup d’enfants ont
été interrogés et tous ont à peu près dit la même chose : Billy n’était
pas un type sympa et avait la fâcheuse tendance à laisser l’empreinte de ses
doigts sur les visages des écoliers. Pour ma part, je n’ai rien dit. Pourquoi ?
Je ne sais pas, sans doute que j’étais impressionné par ces hommes en uniforme,
mais aussi par le fait que je commençais à croire à la solution simple et
efficace de Sasha. Au fond de moi, j’avais peur qu’on me soupçonne aussi du
meurtre. Je sais, c'était complètement stupide, mais je réagissais comme un
gamin de dix ans.
Après le massacre de
Billy, l’ambiance à l’école n’était plus la même. Les enfants jouaient toujours,
mais on sentait un climat de défiance, comme si chaque élève se méfiait de son
voisin. De grands panneaux opaques entouraient l’emplacement du meurtre et
personne ne pouvait s’y approcher. Moi je passais mes récrés à tenter d’apercevoir
la tignasse blanche de Sasha. En vain. Je me suis renseigné auprès des autres
élèves, mais aucun ne connaissait ou n'avait vu Sasha. J’ai fini par abandonner
en pensant que j’avais joué avec un vagabond, un gosse qui vit dans une
caravane et qu’il était reparti sur la route avec ses parents.
L’école a été sous
surveillance policière jusqu’à ce que le responsable du meurtre, un échappé de
l’asile psychiatrique du comté voisin, soit arrêté. C’était à peu près un mois
après la mort de Billy. Inutile de vous dire que les parents, les élèves, le
personnel de l’école et moi-même étions soulagés. L’arrêt du meurtrier a fait
cesser ce cauchemar où je me voyais massacrer Billy à coups de pierres.
Depuis la mort de Billy,
son pote, big Duck n’emmerdait plus personne. Il passait son temps assis sur un
banc, le regard sur ses pieds. Il avait l’air aussi pommé que je pouvais l’être
à l’époque. Le voir si triste et si seul me faisait vraiment pitié. J’ai décidé
d'aller le voir, car au fond de moi, je me sentais un peu coupable d'avoir
souhaité la mort de son copain. C’est drôle, mais on a tout de suite sympathisé.
Après m’avoir fait ses excuses, il m’a rendu des cartes de jeu et une vieille
figurine d’un personnage de manga. On est rentrés ensemble après l’école et on
s’est même dit au revoir devant chez nos pavillons puisque c’était mon voisin.
Fou de joie d’avoir un
pote hyper costaud, j’ai mangé mon goûter avec appétit et j’ai jacté avec ma
mère comme jamais. Elle ne m’avait jamais vu aussi joyeux et bavard en rentrant
de l’école. D’habitude, j’étais d’humeur maussade, je disais trois mots, je
mangeais un morceau de pain puis je montais faire mes devoirs avec autant de
joie qu’un type proche de la mort.
Ce soir-là, après avoir
discuté de beaucoup de choses avec ma mère, je suis monté me coucher le cœur
joyeux. Dans mon lit, j’ai regardé les cartes que m’avait volées Duck à
l’époque où c’était un gros con. J’étais super content de retrouver plusieurs
de mes héros préférés. Alors que j’allais mettre mes cartes dans le tiroir de
ma table de nuit, j’ai arrêté mon geste, le regard fixé sur ma dernière carte.
Le sigle P.P.C.M était
inscrit en rouge sur fond noir au recto de cette carte. J’ai tout de suite
compris que PPC voulait dire Pierre, Papier, Ciseaux, mais que signifiait le
M ? La main tremblante, j’ai retourné la carte et un sentiment d’effroi m’a
traversé le corps. Je n’arrivais pas à croire son titre : Règles et conseils du
jeu Pierre Papier Ciseau Massacreur.
1. Asseyez-vous face à votre adversaire.
2. Mettrez une main derrière le dos.
3. Formez une pierre, un papier ou un
ciseau avec la main cachée.
4. Jouez.
5. Le papier enveloppe la pierre : bravo
vous avez gagné !
6. La pierre casse le ciseau : encore
gagné !
7. Le ciseau coupe le papier : vous
êtes un champion !
8. Dans tous les cas contraires, vous
avez perdu.
9. Ce jeu puissant sa source dans
d’anciennes traditions occultes et guerrières, il est fortement déconseillé d’y
jouer avec un esprit de vengeance.
10. Le créateur du jeu est l’enfant aux
cheveux blancs.
11. Ne jouez pas avec l’enfant aux
cheveux blancs.
12. Vous ne devriez pas être en
possession de cette carte, RENDEZ-LA !
13. Si vous jouez avec l’enfant aux
cheveux blancs, ne gagnez pas.
14. Si vous avez gagné, alors il est trop
tard, le Massacreur est en chemin.
En criant comme si je
m’étais ébouillanté, j’ai jeté la carte par terre puis j’ai rangé toutes les
autres dans le tiroir avant d’éteindre ma lampe de chevet. Caché sous les
couvertures, je tremblais comme une feuille, je me disais que c’était un
cauchemar, qu’il était impossible qu’une carte mentionne Sasha, l'enfant aux
cheveux blancs. Heureusement, ma mère est venue me border. Elle m’a trouvé
fiévreux, m’a demandé si j’allais bien avant de prendre ma température. Non, ça
n’allait pas et je lui ai tout déballé depuis le début. Elle m’a attentivement
écouté, ne m’a pas interrompu jusqu’à la fin de mon histoire. Pendant celle-ci,
elle me regardait assez bizarrement, avec un petit sourire en coin. Soit elle
ne me croyait pas, soit elle se moquait de moi. Cela m’a un peu énervé et j’ai
sauté hors du lit pour reprendre la carte et la lui montrer. Elle ne l'a même
pas regardée, m’a simplement dit en me caressant le visage : « Ne
t'inquiète plus mon chéri, tous tes problèmes à l'école vont se régler et tes
notes vont s’améliorer ». Puis elle est sortie de la chambre en
chantonnant une berceuse que je n’avais jamais entendue.
J’ai eu beaucoup de mal
à m’endormir. Sans cesse je me répétais les règles de la carte, sans cesse je
revoyais le visage constellé de petites veines bleues de Sasha, sa langue violacée,
ses dents pointues, ses lèvres écarlates. Je regrettais d’avoir pensé à Billy
et à Big Duck en jouant. Maintenant, je voulais que Big Duck reste mon ami et
que rien ne lui arrive. Je me suis rassuré en me disant qu’un fou échappé de
l’asile avait massacré Billy, que Sasha n’avait rien à voir avec le meurtre.
Mais pourquoi cela s’est-il produit à l’endroit où j'avais joué à
Pierre-Papier-Ciseaux avec Sasha ? Pourquoi l’avait-on tué à coups de
pierres ? J’ai eu des sueurs froides en repensant à ma partie de
PPCM : j’avais choisi la pierre en pensant à Billy !
Je ne sais plus quelle
heure il était quand j’ai entendu le tapotement d’ongles contre la vitre de ma
fenêtre. Je me suis réveillé en sursaut. J’étais en sueur, je tremblais de
partout. Alors que je croyais avoir fait un cauchemar, une petite voix glaciale
m'a susurré à l'oreille « C’est mon jour de chance, c’est ma nuit de joie !
». J’ai allumé précipitamment ma lampe de chevet et… Sasha n'était pas
près de mon lit ni derrière ma fenêtre. Je me suis calmé en respirant lentement
comme ma mère me l’avait appris pour évacuer mes angoisses. Elle avait la porte
de ma chambre ouverte. Au bout du couloir, la pâle lumière de la lune formait
un halo étrange autour de la fenêtre. Derrière, les ombres noires des branches
étaient fixes.
J’avais la gorge sèche
et un verre d’eau fraîche m’aidait toujours à me rendormir. La nuit je
préférais boire l’eau du robinet de la salle de bains qui se trouvait à gauche
de la fenêtre au fond du couloir plutôt que de descendre à la cuisine située au
rez-de-chaussée. De plus, la porte de la salle de bains se trouvait face à la chambre
à ma mère. Si la salle de bains ne s’était pas trouvée à cet endroit, je crois
que jamais je n’aurais eu le courage de boire un verre d’eau en pleine nuit. Je
me disais toujours que si un monstre surgissait dans le couloir, ma mère était
assez proche pour me sauver.
En marchant vers la
salle de bains j’avais toujours l’impression que quelque chose m’observait. Je
n’étais qu’un gosse et un gosse s’imagine vite qu’une silhouette blanchâtre avec
de longs doigts crochus va surgir du noir ou s’allonger depuis le plafond pour
vous croquer un morceau de la tête.
Je suis arrivé devant
la salle de bains avec un certain soulagement. D’habitude, je ne regardais
jamais par la fenêtre de peur d’y voir un monstre m'observant depuis le jardin
en contrebas. Mais cette nuit-là, une lumière a attiré mon regard. Elle
provenait de la maison de big Duck. Savoir qu’il était là, à une dizaine de
mètres de moi, m’a fait sentir en sécurité. Je suis resté une poignée de
secondes à observer cette lumière provenant d'un couloir dont j’apercevais une rangée
de portes sur la gauche et la dernière marche d’un escalier tout au bout.
La lumière de ce
couloir a grésillé avant de s’éteindre. J'ai eu la désagréable impression que
ce n'était pas normal. Au moment où j’allais rentrer dans la salle de bains, le
couloir du voisin s’est rallumé, éteint, rallumé sur deux jambes affreusement
maigres. J’ai plaqué une main sur ma bouche pour étouffer mon cri. Les jambes étaient
d’un blanc cadavérique et se rapprochaient de la fenêtre en faisant de grands pas.
Attaché aux hanches squelettiques, le reste d’un corps cassé en deux glissait derrière
elle. On dirait le buste d’un squelette avec des os épais. Ce buste s’est
redressé sèchement devant la fenêtre, la grandeur de cette horreur était surnaturelle,
son crâne pointu touchait le plafond. Ses longs bras se finissaient par des
pinces, enfin non, ce n’était pas des pinces, mais des paires de ciseaux d’os.
La chose les faisait claquer devant lui comme si elle me saluait ! Son
visage était monstrueux, ovale et de travers, penchait d’un côté puis de l’autre.
Il était si horrible qu’aujourd’hui il m’est toujours impossible de le décrire
en détail. Toutefois, ses yeux sortaient de leur orbite et ils étaient d’un
bleu intense, comme ceux de Sasha.
Une main m’a agrippé l’épaule.
J’ai frôlé l’arrêt cardiaque. Droite comme I ma mère se tenait dans
l'encadrement de la porte de sa chambre. Elle a ouvert les bras et je m’y suis
précipité. Je tremblais de tout mon corps, j’avais mal à la mâchoire tellement
mes dents claquaient. Elle m’a serré contre elle, m’a consolé en me disant que tout
serait bientôt terminé.
Un hurlement inhumain a
traversé la nuit. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu Duck courir dans le couloir
avant de tomber. Heureusement le monstre n’était plus là. Toujours au sol, Duck
s’est retourné et a mis un bras en opposition. Les doigts de sa main puis son poignet
se sont cassés vers l’arrière. D’un coup, il s’est mis à gigoter comme si
quelque chose le frappait. Des jets de sang giclaient de son corps et zébraient
d’un rouge vif les murs et les portes du couloir. C’était l’horreur, j'étais en
état de choc, je n’arrivais même plus à hurler. Ma mère m’a trainé jusqu’à son
lit en chantonnant cette horrible comptine au rythme discordant. Une fois
couchée, elle m’a susurré à l’oreille que j’étais son agneau de lait, que c’était
pour mon bien qu’elle avait fait ça, que je ne souffrirais plus jamais…
Voilà, vous connaissez les
évènements du printemps 76. Pour ma part, je n’ai compris ses horreurs qu’à
l’ouverture du testament de ma mère. Elle m’a légué une petite somme d’argent économisée
après la vente de la maison, car je ne voulais plus y habiter. Dans ses
affaires, j’ai retrouvé un coffret en bois vermoulu. J’y ai découvert une
espèce de parchemin jaunâtre. Quand je l’ai déplié, la carte des règles du Pierre
Papier Ciseaux Massacreur est tombée à mes pieds. Je n’avais jamais retrouvé
cette carte. Pendant des années, les psys et ma mère ont prétendu que cette
maudite carte était le fruit de mon imagination, tout comme le meurtre de big
Duck tué par un évadé de prison. Sur le parchemin, deux prénoms étaient
inscrits en lettres brunâtres, sans doute du sang séché : Billy et Duck.
Dernièrement, j’ai
appris qu’Henri, le plus jeune de mes trois gamins se faisait emmerder par des
balèzes de son école. Je suis intervenu auprès de la direction et des parents,
mais comme ils sont aussi cons que leurs sales gamins rien n’a changé. Chaque
jour qui passe je me demande comment résoudre ce problème. Henri est aussi
chétif et timide que je l’étais à l’époque. Cela commence à se voir sur ses
résultats scolaires. Je ne veux pas que mon fiston devienne comme moi, un manutentionnaire
de supermarché, je veux qu’il étudie, qu’il aille à l’université pour être
avocat ou Sénateur. On pourrait déménager, mais ma femme tient à rester dans
son village natal. Elle dit que les choses s’arrangeront d’elle-même. Moi, je
n’y crois pas une seconde. Et si je proposais à Henri de faire une petite
partie de Pierre Papier Ciseaux Massacreur avec un enfant aux cheveux blancs ?
Après tout, Sasha n’avait fait de mal qu’à Billy et à big Duck ? Il me suffirait
d’écrire avec mon sang le nom de ces petits connards sur le parchemin et de
lire les règles de Pierre Papier Ciseaux Massacreur…Oui, je crois que c'est la
meilleure solution...
N'hésitez pas à commenter, à vous abonner pour recevoir les dernières pastas directement dans votre boite mail, twitter, facebook, etc... Vous pouvez partager cette histoire en me demandant l'autorisation.
Découvrez la storytime angoissante
"l'enfant qui écrivait des histoires"
"l'enfant qui écrivait des histoires"
Le blog "Mes chroniques de l'Obscurité" (abonnez-vous !)
La facebook "Mes Chroniques de l'Obscurité" (likez !)
2018@Gebel de Gebhardt Stéphane.
Ce texte est libre de partage à conditions de m'en informer en commentaire çi-dessous.
Ce texte est libre de partage à conditions de m'en informer en commentaire çi-dessous.