samedi 16 décembre 2017

Fausses couches



J’entends encore ses cris. Ceux de ma femme, pendant sa première fausse couche. Je revois son visage tordu de douleur, ses mains crispées et ce sang, tout ce sang qui coulait de son ventre et qui formait une grosse tache rouge sur sa robe blanche, celle que j'avais achetée pour le mariage. Pourquoi l’a-t-elle essayé ce jour-là ? Pour un homme comme moi, ça reste incompréhensible, c’est comme si elle l’avait fait exprès. Elle me hurlait que non pendant qu’elle perdait le fœtus, que c’était le hasard. Le hasard fait mal les choses comme on dit. Je l’ai cru après deux ou trois heures, je ne sais plus, mais ce qui compte, c'est que j’ai fini par appeler les secours.

Après sa première fausse couche, plus rien n’a été comme avant entre nous, plus rien. Quelque chose s’est brisée. Peut-être être son bras ou sa jambe, je ne sais plus, car je devenais complètement fou. Il faut me comprendre aussi, je faisais des heures supplémentaires pour payer le traitement qui la rendait fertile, pour lui acheter sa robe de mariée, une moquette neuve, la bouffe du chien et voilà comment elle me remercie ? Mon père disait que les femmes étaient des ingrates et des salopes. J'ai su qu'il avait raison quand j’ai ramassé le petit corps dégueulasse de la gamine avant de le jeter aux ambulanciers. D’ailleurs, c’était dingue cette couleur bleue, à croire que ma femme avait accouché de la schtroumpfette !   

Heureusement, on s’est pardonné. Elle s’est excusée d’avoir perdu notre fille et de m'avoir poussé à lui casser quelque chose, je l’ai excusée d’avoir niqué la robe et la moquette. On a donc recommencé, on a donc repris le cycle infernal insémination, médicaments, visites hebdomadaires à l’hôpital avec une batterie d’examens qui durait d’interminables heures. Enfin pour elle, car moi je bossais ou je regardais le sport à la télé. J’adore le sport, tous les sports, et rien de tel qu’un bon match de football américain pour oublier toutes les conneries que faisait ma femme. 

Trois mois, ma femme n’a pas tenu trois mois avant de perdre notre deuxième enfant. À croire qu’elle cherchait à battre un record. Quelque chose s’est encore cassé. C’était le manche de ma batte de base-ball sur sa tronche. Strike !  Au moins j’avais le silence, je ne l’entendais plus gueuler. De toute façon, j’avais eu la bonne idée de l’enfermer dans le cabanon au fond du jardin. J’avais trop peur qu’elle nique la moquette neuve que je venais de poser dans toute la maison. Le seul truc que je n’avais pas prévu c’était la légère pente du cabanon. Les eaux ont coulé jusqu’à la niche de Razor, mon pitbull. Il est devenu fou. Quand j’ai vu que le truc par terre ressemblait à une autre ingrate schtroumpfette, je me suis dit que je n’allais pas appeler les secours et j’ai nourri le chien.  

Forcément c’est devenu tendu, très tendu entre nous. Aussi tendu d’ailleurs que la chaîne autour de son cou. Je lui ai promis la liberté dès qu’elle m’aura fait un garçon. Elle m’a cru et on a baisé comme des bêtes. Avant qu’elle m’annonce être enceinte, j’avais fait un rêve prémonitoire, j’ai rêvé que j'étais papa d’un petit garçon. La plus belle période de ma vie. Il était donc hors question que je perde mon futur champion. C’est pour ça que le jour où elle m’a dit qu’elle était enceinte, je l’ai assommée avant de lui couturer le sexe. Comme ça, le foetus ne bougerait pas d'un poil !

Tout se passait bien, son ventre s’arrondissait, grossissait comme jamais auparavant. Elle criait aussi comme jamais auparavant. J’ai dû la bâillonner. Quand son ventre a explosé, j’ai su que mon petit était perdu. Enfin quand je dis perdu, je veux dire mort, car je l’ai retrouvé empalé sur la pointe de la pioche au fond du cabanon. La salope, je suis sûre qu’elle l’a fait exprès !

Cette horreur a acté notre séparation. Enfin je veux dire la sienne en…plusieurs morceaux. Faut me comprendre aussi, j’étais fou de rage, elle venait de balancer mon gamin contre la pioche ! J’ai fait pareil avec ses bras et ses jambes sauf que ce n’était pas contre la pioche, mais dans l’auge aux cochons. Ils ont tout bouffé ! Au moment de leur donner sa gueule et son torse, mon chien m’a fait les yeux doux. Et lui qui adorait ma femme, je peux vous dire que ça été l’amour fou ! D’ailleurs, puisque vous avez une bonne tête monsieur le policier, je peux vous dire qu’un chien qui a goûté à ce genre de viande ne peut plus s’en passer. J’en ai eu la confirmation le mois dernier, quand la sale gamine du voisin est venue chercher son ballon rose dans le jardin. Razor et les cochons l’ont adorée !

Voilà, vous pouvez repartir dans votre commissariat avec l’affaire de sa disparition élucidée ! Ah non, j’ai juste oublié un truc : il était bon le saucisson ?


 Voilà, vous pouvez repartir dans votre commissariat avec l’affaire de sa disparition élucidée ! Ah non, j’ai juste oublié un truc : il était bon le saucisson ?





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2018@Gebel de Gebhardt Stéphane.
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