lundi 30 octobre 2017

L'application HOLE 2

Infecté



L'application




Bonjour à tous. Vous trouverez ci-dessous un copié/coller d’un commentaire faisant suite à l’émission consacrée à la vague de suicides touchant toutes les générations. Ce commentaire est le plus pertinent de la centaine que j’ai pu lire, celui qui correspond le mieux aux évènements qui se produisent chez moi depuis hier soir. Par ce message, j’espère apporter un éclaircissement à tous ceux qui doutent que la tendance suicidaire va augmenter, à moins de la comprendre et de s’en débarrasser.
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« Bonsoir. Mon prénom est Nicolas. Suite à l’émission sur les suicides, je voudrais apporter mon témoignage. Je ne ferais pas de commentaires sur cette émission mais je la juge quand même à côté de la plaque. On évoque beaucoup de causes pour comprendre ce qui se passe, mais aucune ne détient vraiment la vérité. Je suis conscient que tout ce qui touche au paranormal est risible dans les médias et qu’on ne le diffuse qu’à titre de divertissement. Pourtant, ce qui est arrivé à ma meilleure amie n’est pas vraiment explicable par des faits rationnels. Moi-même, j’ai toujours du mal à croire ce que j’ai vu et pourtant, ELLES ont bien tué ma meilleure amie.

Elle s’appelait Florence. On a grandi ensemble, étudié, fait les 400 coups. On partageait nos peines de cœur, nos petits bobos, nos joies. On ne s’est jamais séparé et en plus, on était presque voisin puisqu’elle habitait à une rue de la mienne. Il y a quelques jours, elle m’a demandé de la conseiller pour l'achat d'un nouveau téléphone portable. Le sien venait de lâcher, un vieil appareil datant de la Seconde Guerre mondiale. Nous nous sommes donc rendus dans une petite boutique du centre-ville et après plusieurs conseils, elle a opté pour un smartphone dont je tairais la marque, mais qui commence par S. Alors que nous allions passer à la caisse, une jeune cliente a hurlé en lâchant son appareil. Elle tremblait de tout son corps en pointant du doigt le téléphone qui avait explosé sur le carrelage. Puis elle est partie en courant. On a tous bien ri, on s’est tous dit qu’un vendeur lui avait installé un screamer pour lui faire peur.

Un crissement de freins puis un choc sourd. On a tourné la tête vers la vitrine, on a juste vu la fin de l’accident, quand la fille s’est écrasée sur le béton avant qu’une autre voiture ne lui roule dessus. Son corps désarticulé était horrible à voir. Il y a eu des cris, la panique puis un attroupement, les secours. Même si Florence était bouleversée, elle a quand même acheté son appareil puis je l’ai raccompagné chez elle. Inutile de préciser qu’on se sentait vraiment mal tous les deux. Cette pauvre jeune fille, son corps désarticulé, sa fin tragique, la tristesse de sa famille.

Ressassant ces images morbides en boucle, j’ai eu du mal à trouver le sommeil cette nuit-là. Je me demandais de quoi cette fille avait eu si peur pour traverser la rue comme une folle. D’après le journal du lendemain, c’était une fille équilibrée et son entourage ne comprenait pas les raisons de son geste. Oui, vous avez bien lu, les raisons de son geste, son suicide. Dans l’article, il n’était fait nulle part fait mention de l’incident dans la boutique, le journaliste le jugeant sans doute sans intérêt.

C’est dingue comme on peut se sentir mal quand on voit un truc pareil. Florence m’a appelé le soir de cet accident ; c’était un vendredi. Elle était dans le même état que moi, aussi angoissée. Au téléphone, je lui ai proposé plusieurs fois de se changer les idées, mais elle a refusé, préférant la sécurité de son appartement au monde extérieur. On a donc passé notre week-end enfermé, a ressassé ce dramatique accident.

Elle m’a rappelé le dimanche soir alors que je comatais devant ma télé. Sa voix m’a glacé le sang. Elle bégayait, elle semblait choquée, elle me répétait avoir vu une petite silhouette traverser très vite le couloir avant d'entrer et de claquer la porte de sa chambre. Elle a aussi entendu un rire une enfant. Je n’ai pas su quoi répondre, je lui ai juste demandé si la porte d’entrée était bien verrouillée. Elle l’était, comme l’était la porte de la salle de bains où elle s’était enfermée.

Il était 19 heures quand je suis arrivée à son appart. Elle m’a serrée fort contre elle. Son corps tremblait comme une feuille. Jamais je ne l’avais vue dans cet état. Elle était encore plus choquée qu’après l’accident de la fille. J’ai aussitôt commencé la fouille son appart et comme je m’y attendais, je n’ai rien trouvé. Elle a fini par sourire, s’est traitée de folle. L’expression angoissée de son visage trahissait toutefois ses paroles, je ne la sentais pas très rassurée de rester seule. Je lui ai donc proposé de rester, mais elle m’a répondu que ce n’était pas la peine, qu’elle se faisait des idées par rapport au suicide de la fille, qu'elle la revoyait courir dans l'appart. C'était une hallucination, juste une hallucination. Je n’ai pas insisté, même si avant de rentrer, on a causé un peu des nouvelles fonctionnalités de son smartphone.

On s’est retrouvé à l’université de Laval le lendemain. Florence était une fille coquette, prenait le temps de se coiffer, de se maquiller discrètement, mais joliment. Ce matin-là elle avait une mine épouvantable, on aurait dit un zombie en phase terminale. Bavarde comme une pie, c’est à peine si elle m’a causée. Toute la bande s’est inquiétée de son absence, et je n’avais pas très bien compris ce qu’ils entendaient par « absence ». Je l’ai compris seulement après ce qui s’avéra être une soirée cauchemardesque.

Après l’avoir raccompagné jusqu’au pied de son immeuble, je suis rentré chez moi en me demandant ce qui se passait dans la tête de mon amie. J’ai tergiversé un peu avant de l’appeler. Elle m’a répondu d’une voix glaireuse et sifflante, c’était horrible à entendre. J’ai même cru qu’elle était en train de se pendre et qu'elle me causait en même temps ! Sans réfléchir, j’ai foncé chez elle.

Sa porte était à moitié ouverte. Je suis entré en l’appelant. Les bras le long du corps, elle se tenait au milieu du couloir de l’entrée. Son visage était très pâle, ses cheveux châtains semblaient avoir été noircis avec de la suie et des gerçures fendillaient ses lèvres. De plus, un peignoir blanchâtre couvrait son corps filiforme alors que sa tenue « confortable » pour chez elle c'était tee-shirt/jean. Un très léger sourire marquait le bas de son visage. Mais ce n’était pas un sourire de complicité comme avant, c’était un sourire que j’aurais aisément qualifié d’inquiétant si je ne connaissais pas Florence.

L’appart était incroyablement silencieux. Elle n’avait pas fait « péter » ses musiques préférées ni la télé. En fond sonore, il me semblait entendre un chien hurler à la mort derrière l’une des vitres de l’appart. Je n’y ai plus prêté attention.

On s’est installé sur le canapé et on a un peu discuté. Enfin non, c’était plutôt un monologue, car elle ne disait rien, hochait seulement la tête sans cesser de fixer l'écran de son fichu smartphone. Je me suis un peu énervé, je lui ai dit qu’elle pourrait au moins s’intéresser à la conversation. C’est alors qu’elle a tourné la tête vers moi et m’a dit de sa voix glaireuse :

« La petite fille du téléphone, tu crois qu’elle va sortir ? »

J’ai grimacé, je n’ai pas su quoi répondre. Après un court temps de réflexion, j’ai répondu à sa question par une autre question :

« Quelle petite fille ? »
« Celle qui est tombée dans le puits, elle va revenir ? »

Là, je me suis dit que ma meilleure amie avait totalement perdu l’esprit. Je ne savais pas comment réagir si ce n’est par un petit sourire de compassion, du genre « ta blague est bonne, mais pas tant que ça en fait ».

Alors qu’entre nous s’installait un silence assez angoissant, j’ai entendu des tapotements derrière moi, comme si un gosse courait pieds nus sur le carrelage. Je me suis retourné et forcément je n’ai rien vu. C’est alors que Florence m’a sorti d’une voix plus joyeuse :

« Elle est déjà sortie, elle va jouer avec moi toute la nuit tu sais ! »

Sa voix m’a glacé le sang, enfin ce n’était pas sa voix, mais celle d’une enfant. J’ai senti de la sueur froide couler dans mon dos. Florence n’arrêtait pas de me fixer et comme le jour déclinait rapidement, du moins c’était ma perception des choses, seule la lumière de son smartphone éclairait son visage, creusant l’orbite de ses yeux, exagérant la taille de ses pommettes, donnant à sa bouche l’aspect d’un trou. J’ai franchement eu l’impression qu’elle était…morte.

« Et toi, tu veux jouer avec nous ? » a-t-elle grondé de son étrange voix rauque en me tendant son téléphone au ralenti.
« …Nous ? » ai-je balbutié très mal à l’aise. « C’est qui, nous ? »

Elle n’a rien dit. J’ai un peu hésité avant de prendre son appareil, peinant à détacher mon regard de sa silhouette fantomatique. À cet instant, je n’avais qu’une seule hâte : allumer la lampe du salon, mettre la télé, faire quelque chose de rassurant quoi !

Pendant un bref moment, j’ai cru qu’elle me proposait de jouer avec son smartphone ce qui, de toute façon, ne m’aurait guère rassuré, puisque j’avais l’impression qu’un cadavre était tranquillement assis à un mètre de moi, attentant le meilleur moment pour me hurler dessus.

« Hole », c’était le titre inscrit en rouge sur le fond clair-obscur de son téléphone (cliquez ici pour un aperçu). C'est ce qu'elle fixait pendant mon monologue. J’ai plutôt été surpris, je m’attendais vraiment à autre chose, à un jeu pour dire vrai. J’ai haussé les épaules, j’ai effleuré l’écran. J’ai aussitôt senti un petit fourmillement au bout de mon doigt avant qu’un puits grisâtre au milieu d’un jardin en friche n’apparaisse. Bien sûr, j’ai aussitôt pensé à ce fameux film japonais « Ring » et vu l’ambiance de l’appart, je n’avais aucune envie de voir la petite fille sortir du puits (cliquez ici pour un aperçu) et coller son œil blanc-noir à l’écran. Florence était froussarde, j’étais vraiment surpris qu’elle télécharge ce genre d’application et au moment de lui demander…

Un petit rire derrière moi m’a fait tressaillir. Je me suis vivement retourné, mais je n’y voyais plus rien. Les tapotements de pieds ont recommencé, mais ils étaient plus lourds, comme une grande femme marchait pieds nus sur le carrelage. J’étais complètement tétanisé et carrément effrayé quand ces pas ont semblé grimper sur le mur à côté de moi avant de faire craquer le plafond.

Une main glaciale m’a saisi le poignet. J’ai hurlé. La main semblait sortir de l’écran du smartphone que j’ai aussitôt lâché. Heureusement, cette main appartenait à Florence qui s’était quasiment collé à moi sans que je m’en rende compte. Elle m’a alors chuchoté à l’oreille :

« On va bien s’amuser, tu vas voir ! »

Je l'ai regardé et j'ai hurlé en me jetant en arrière. Ses yeux étaient laiteux, elle n’avait plus de nez, pas de bouche entre ses joues creuses et sa tête était penchée d’un côté comme si son cou était cassé. Les pas du plafond sont redescendus vers moi puis ont cogné le carrelage. J’ai bondi du canapé et j’ai foncé vers l'entrée quand on m’a attrapé la tête et tiré violemment en arrière. C’est alors que j’ai entendu :

« Tu te souviens de la fois où tu m’as fait boire la tasse, Nico ? »
« Lâche-moi putain ! » ai-je dit en me débattant.

Sur ma gauche la salle de bains s’est éclairée. À l’intérieur, Florence a rapidement tiré le rideau de douche. Celle qui me tenait la tête était donc cette chose que je ne pouvais voir. L’eau du robinet de la baignoire coulait à flots, c’était assourdissant !

La chose m’a lâché, la porte de la salle de bains a claqué. Je suis brièvement tombé à genoux avant de me relever et de m’acharner sur la poignée de la porte qui a bien sûr refusé de s’ouvrir. Derrière moi, l’eau faisait toujours autant de vacarme.

Un cri perçant. Je me suis retourné. Florence se débattait dans l'eau. Des mains bleuâtres la tiraient vers le fond de la baignoire. Autour de son corps gesticulant, une longue touffe de cheveux noirs semblait vouloir l’étouffer. Elle a réussi un court moment à sortir la tête de l’eau et a hurlé mon nom en me tendant la main. Je n’ai pas réfléchi, c’était ma meilleure amie, et je me suis précipité pour tenter de la sauver.

Sa main était si froide glaciale que j’ai failli la lâcher. J’ai serré les dents et j’ai attrapé son avant-bras avec mon autre main pour tirer du plus fort que je pouvais. Je ne me rendais même pas compte que j’étais pris dans un engrenage effrayant, que tout ça n’avait pas de sens, que j’étais comme un sprinter fou qui devait atteindre la ligne d’arrivée ou mourir.

Puis tout s’est arrêté, le vacarme, la noyade, les pas dans l’appart, tout. Florence avait les yeux grands ouverts au fond de sa baignoire. Ses longs cheveux châtains formaient une couronne flottante autour de son visage livide, ses mains bleuâtres tenaient une énorme pierre sur son ventre. Je ne sais pas combien de temps j'ai hurlé avant d’appeler le SAMU…

Le rapport d’autopsie a estimé sa mort entre 20 heures et 21H, faisant de moi le coupable idéal, le petit copain jaloux et trop passionné. Ce fut mon premier moment d’effroi, mais il n’a duré qu’une poignée de secondes. Le second a été quand j’ai appris par les flics que Florence était morte 48 heures plus tôt, le samedi soir. Je n’arrivais pas à le croire puisque je l’avais vue chez elle dimanche soir et lundi à l’université. Seulement, personne d'autre que moi ne l’avait vue à l’université, personne ! Un bulletin d’absence a même été rédigé à son nom ! Dans ce cas, j'ai demandé au flic ce que je foutais dans son appart le lundi soir ? Il m’a alors donné une réponse des plus étranges, il m’a dit que je frappais comme un malade à la porte de son appart et que le chien du voisin hurlait à mort à cause de moi ! Le gardien de l’immeuble a rappliqué, il a ouvert avec le double des clés, on a découvert le corps inanimé de Florence dans la baignoire, et je me serais évanoui, à cause de la baignoire remplie de sang. Elle se serait taillé les veines. Je lui ai dit que c’était impossible, qu’il n’y avait jamais eu de sang, que tout ça était grotesque ! Et puis je me suis souvenu de son visage livide, de son allure fantomatique, de cette pierre bien trop grosse pour être soulevé par Florence.

 Le lendemain, je n’ai pas été en cours, je me suis terré dans mon appart et je n’ai rien fait d’autre que penser à son meurtre, car je ne croyais pas à son suicide. J’ai commencé mes recherches sur internet, j’ai passé plusieurs heures le nez collé à l’écran, et puis j’ai découvert ça sur un forum. Avant d’en parler, je tiens à préciser que j’ai trouvé ce message sur un site de fakenews, alors, il vaut ce qu’il vaut, mais perso, je suis obligé d’y croire :

L’application « Hole » a été créée par la marque de smartphone S…… dans le but d’offrir à ses clients une nouvelle expérience extrasensorielle. Alors que sa mise sur le marché était prévue pour le 31 octobre 2017, des hackers ont piraté ses systèmes et ont « collé » l'appli à des sous-programmes, à des sites de téléchargement de jeux en ligne, à des sites de streaming, entre avril et septembre 2017. Pour des raisons encore inconnues, cette application holographique modifie les perceptions auditives et visuelles et dans les cas plus graves, provoque des hallucinations permanentes.   
Hole fonctionne comme un cheval de Troie, s’installe à l’insu des utilisateurs. Cette application possède une horloge interne et s’ouvre sans intervention extérieure. Si votre télé grésille, si votre ordinateur ou votre console de jeux plantent sans raison, que l’écran de votre téléphone s’allume en pleine nuit ou reste bloqué sur un programme, alors Hole a interféré. Nous vous conseillons donc de formater votre disque dur ou la puce de votre téléphone. Dans le cas contraire, vous pourriez être victime d’hallucinations sévères. Enfin, si on vous incite à cliquer sur l’image du logo « Hole » pour d’obscures raisons, vous devez suivre la procédure suivante : inventez une histoire dans laquelle vous créerez un lien avec le logo Hole. Dès qu’un individu cliquera sur ce lien, le programme sera automatiquement transféré sur son appareil et sa messagerie. Pour savoir si vous quelqu'un a cliqué, il suffira de regarder derrière vous si la petite fille et la grande dame ont disparu.
Bien sûr, la société S…… niera avoir créé une telle application ou, si son implication est prouvée, elle accusera les hackers d’avoir sciemment modifié son programme dans le but de nuire à la population. 

Voilà, c’est fait, j’ai créé cette histoire (hormis le message de la société S……). Si quelqu'un a cliqué sur le lien Hole, alors je serais débarrassé d’ELLES. Merci de m’avoir rendu ce service. Bon courage.
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Voilà pour le commentaire de Nicolas. L’émission sur les suicides n’a jamais mentionné l’application Hole. En fait ce n’était pas vraiment le but du commentaire Nicolas, vous savez maintenant pourquoi. Je me retourne, Elles ont disparu. Merci de m’avoir rendu ce service. Bon courage avec ELLES.     




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