dimanche 25 février 2018

Les effrayantes histoires d'un enfant (Chapitre 5)






Histoire 5 – La Grande Dame et la petite fille.

 « Ils sont où les bonbons ? » demanda la petite fille de la fermière à la Grande Dame qui lui tenait la main. 
« Dans ma maison ma petite chérie. Y’en a tout plein et tu pourras aussi en apporter à ton frère ».
« Super méga chouette, il va être super méga content mon frère », s’exclama la petite fille aux cheveux blancs.
« Mais j’espère bien ma petite Élorine, j’espère bien », dit la Grande Dame d’une voix qui croassait comme une corneille. 
Pendant une demi-heure, la Grande Dame et la fillette traversèrent la forêt de plus en plus sombre à cause du soleil couchant. Élorine commença à se plaindre qu’elle était loin de chez elle, ce qui énerva la grande dame mais elle ne lui montra pas.
Enfin, alors que le jour mourrait, Élorine vit une cabane entourée de six arbres gigantesques. C’était des chênes et sur ses branches croassaient des dizaines de corbeaux.
« Ils me font peur, gémit Élorine, je veux rentrer à la maison. »
« Les corbeaux ne sont pas méchants tu sais, ce sont des oiseaux intelligents et protecteurs pour les gens qu’ils aiment. »
« Et moi, ils m’aiment ? »
« Oui, je crois même qu’ils vont t’adorer ! rigola affreusement la Grande Dame en léchant ses lèvres gercées.
Les gonds de la porte d’entrée en bois grincèrent. Une odeur de charogne agressa les narines de la petite fille. C’était l’odeur de la mort. Mais Élorine ne connaissait pas l’odeur de la mort et entra dans la cabane perdue dans la forêt. Devant une imposante cheminée, des lapins égorgés étaient suspendus par les pattes à un fil tendu d’un mur à l’autre. Dans la cheminée, au cœur d’un brasier crépitant, un chaudron noir chauffait un liquide épais qui clapotait de grosses bulles jaunes. Sur une grande table en bois, un poulet égorgé baignait dans son sang. Autour, des fioles, des pots en terre cuite, des ustensiles tranchants, une assiette en bois et des verres sales formaient un désordre effrayant. En bout de table, un pot en os entretenait une plante étrange. La tige avait la forme d’un bras et au bout sa fleur était une boule de pics balafrée d’une bouche. On aurait dit une plante cyclope avec une grande bouche à la place de l’oeil. 
« Oui, je sais ce que tu penses, croassa-t-elle à la petite fille, je ne suis pas la reine du rangement. »  
« J’ai peur, je veux retourner chez moi ! »
« Mais enfin ma chérie, C’EST ICI CHEZ TOI ! » hurla la Grande Dame en levant un bras.
Élorine n’eut pas le temps d’avoir un réflexe. D’un geste rapide, la Grande Dame lui trancha la gorge. Un flot de sang jaillit du cou tranché et fusa jusqu'à la table. Puis le sang glissa comme une coulée de boue sur le tablier sale de la petite paysanne. Elle s’écroula en se tenant la gorge. Sa dernière vision fut celle des yeux écarquillés de la Grande Dame qui se penchait sur elle en souriant sadiquement. Alors qu’Élorine mourrait, la méchante dame enfonça sèchement le couteau dans la plaie jusqu’à trancher totalement la tête de la petite fille. Les derniers gargouillis d’Élorine était horrible à entendre. La grande dame attrapa la tête d’Élorine par les cheveux et la souleva en rigolant comme une cinglée. Des filets de sang coulaient du cou tranché et formaient des lignes rouges jusqu’au chaudron que la dame atteignit en faisant des grands pas. En poussant un rire maléfique, elle y jeta la tête ! Le visage grimaçant d’Élorine disparut doucement dans le bouillon de bulles jaunâtres.
La Grande Dame touilla la mixture épaisse en sifflotant une bonne heure. De la tête de la petite Élorine ne restait plus que quelques touffes de cheveux et un œil percé qui flottait à la surface. Enfin, quand la potion fut prête, la Grande Dame alla chercher une fiole et la plongea dans la préparation. Elle récolta un liquide visqueux qui eut du mal à entrer dans la fiole. Avec, elle marcha jusqu’au bout de la table. La tête de la plante suivait chaque mouvement de la Grande Dame. Celle-ci approcha la fiole près de balafre qui s’ouvrit en deux dans un gargouillis, laissant apparaître une gorge rosâtre d’où s’échappait une forte odeur de charogne. Les muqueuses étaient couvertes de boutons jaunâtres d’où s’écoulaient des filets de pus. La Grande Dame y versa la potion gluante en sifflotant. L’horrible plante avala bruyamment le liquide poisseux, un peu comme un bébé affamé qui avalerait son biberon.
 « Voilà, c’est tout pour ce soir mon bébé d’amour », lui dit la grande dame.
« Merrrrcccciiiiiii », répondit la plante d’une voix sifflante.
« À la fin du chaudron, tu seras encore plus grande et encore plus intelligente », piailla sa maîtresse.
« Ouiiiii. »
« Peut-être même qu’un jour tu iras à l’école pour apprendre plein de trucs intéressants. »
« Ouiiii, je veuuuuxxxx, c’esssst bieeennnn l’écoooollllleeeee. »
« Mais il ne faudra pas que tu croques la tête d’un camarade, hein, ma petite fille ? »
« C’esssst éviiiiiidennnnntttt. » 
« Parfait ! Allez, digère bien ma petite Élorine, c’est à mon tour de manger de cet excellent ragoût de petite paysanne insolente et pleurnicheuse. »
« Booonnnn appééééétiiiiiiit. »
« Merci ! »
Elle posa un baiser sur la muqueuse pestilentielle de la fleur qui referma d'un coup sa gueule et arracha un bout de lèvre à la Grande Dame. Un rire affreux résonna un long moment au cœur de la maison perdue au milieu de la forêt.

Voilà, c’est…terrible. Si aujourd’hui je ne verse plus ma larme pour la petite Élorine, ce ne fut pas le cas autrefois, quand j’ai découvert ces terribles lignes. Il m’a fallu pas mal de temps pour analyser ce texte, enfin si on peut appeler ça un texte, je dirais plutôt un exutoire. Oui, je sais, cette violence imaginative s’appelait Creddy, bien qu’à aucun moment Matthew ne mentionne son aide. D’ailleurs, à ce stade de ses histoires, que devenait Creddy ? L’avait-il chassé avec l’aide du psychiatre ? J’étais persuadé que non et mon intuition le confirmera plus tard, quand Matthew tentera à nouveau de voir son Creddy.

Une fois les émotions passées, j’ai pris le temps d’analyser ce texte avec cette idée en tête : où le jeune Matthew voulait-il nous emmener et dans quel but écrivait-il des histoires aussi horribles ? Pour moi, il devenait clair que la violence de ses lignes résultait d’une haine de plus en plus palpable contre sa mère. Toutefois, au fur et à mesure de mes lectures, je me disais être au cœur d’une belle famille de cinglés. Toutefois, les écrivains racontant des histoires d’horreur comme Stephen King par exemple ne sont pas catalogués comme fous. Mais à onze ans, écrire des récits de petite fille égorgée et d’un fantôme de bébé décapité n’avait rien de bien rassurant pour un gamin de son âge. Et puis, un cheminement inconscient m’a orienté vers une voie encore plus terrible que d’écrire des histoires fictives. Si Matthew écrivait son passé ? Oui son passé ! Souvenez-vous que Matthew a dit qu’il n’avait aucune imagination et que son ami imaginaire l’aiderait à trouver des histoires. Finalement, cela signifiait que Matthew se parlait à lui-même ! Étant donné qu’il n’avait pas d’imagination, il devait puiser ses sources narrative dans ses rêves, ses cauchemars et les conflits passé et présents avec sa mère. Autrement dit, dans sa réalité !

À partir de constat, de nouvelles questions sont nées dans mon esprit :  s’était-il passé quelque chose d’effroyable dans sa maison, dans sa cave que sa mère lui interdisait ? Aurait-il eu une sœur qu’il aurait totalement oublié ? S’appellerait-elle Élorine, comme la petite fille de ses histoires ? La connaissait-il physiquement ou était-elle née bien avant sa naissance car à aucun moment n’est mentionné l’âge de sa mère ? 

Plus je cheminais vers la vérité, plus j’avais la désagréable impression que sa maison abritait une horreur bien plus réelle que Creddy et qu’un gamin ne pouvait pas rester seul avec ses démons, réels ou imaginaires. Toutefois, son blog ne mentionnait pas la date de ses posts, et je n’avais aucune idée si ses histoires avaient été écrites il y a un mois, un an, dix ou vingt ans de cela. Peut-être les avait-il postées d’un coup et que Matthew était aussi vieux que moi quand je lisais ses histoires ? J’ai donc décidé de ne plus rester seul à me poser mille questions et j’ai été consulter un vieil ami ayant travaillé dans le domaine de l’enfance. Mais cela, je vous le conterai plus tard, car j’ai encore plein de choses à vous raconter. 

Comme d’un fait exprès, mon raisonnement a pris l’eau dans l’histoire suivante et m’a fait perdre pas mal de cheveux. Je vous laisse la découvrir et on en reparle après :





Histoire 6 – L’ermite et le fantôme d’Élorine

Cela s’est passé par une froide nuit d’hiver. Le vent soufflait fort contre la façade d’une cabane perdue dans la forêt. Sous ses vieilles couvertures miteuses, l’ermite grelottait. Minuit était passé, le vieil homme ne dormait pas. Ce n’était pas le froid qui l’empêchait de dormir, cela n’avait jamais été le froid, mais l’attente. Cela faisait quarante-six ans, six mois et six jours qu’il l’attendait. Alors que les branches continuaient à frapper les murs de leurs sombres griffes, l’ermite entendit trois coups : toc-toc-toc. Il se redressa sur son lit. Toc-toc-toc. Il n’eut pas peur, se leva et se dirigea vers la porte en disant :
« C’est toi, c’est enfin toi mon ange ? » 
Toc-toc-toc un peu plus fort, toc-toc-toc plus fort, toujours plus fort. La poignée de la porte s’énerva, quelque chose de furieux s’acharnait derrière. 
« Ne te met en colère ma chérie, je t’en supplie, tu sais très bien que je ne l’ai pas fait exprès. »
La porte continua à trembler, manquant de s’arracher de ses gonds, tandis que le vent soufflait encore plus fort et que les branches frappaient les murs comme des poings gigantesques. Des éclairs zébraient l’unique pièce de la maison, montrant le visage anxieux du vieil homme. 
Soudain, la porte s’arracha et vola dans l’air électrique. Flottant à l’horizontal devant l’ermite, un fantôme le regardait avec ses yeux rouges. Ses longs cheveux blancs formaient un éventail sombre autour de son visage livide. De sa bouche grande ouverte s’échappait un râle glaireux.
« Élorine, est-ce toi, est-ce bien toi mon ange ? »
Le râle glaireux lui répondit. 
« Je suis prêt tu sais, j’ai toujours été prêt ! »
Les bras en avant, elle se jeta sur lui. Le vieil homme tomba à la renverse. Quelque chose se brisa dans son dos. Les mains glaciales du fantôme serraient son cou. Le spectre crachait comme un chat. L’ermite étouffa, son regard exorbité fixait les yeux rouges d’une femme qu’il peinait à reconnaître.
Autrefois, Élorine fut très jolie. Matthew l’aimait beaucoup. Elle portait une longue robe à fleurs le jour de son accident de moto. C’était Matthew le conducteur. Elle s’est brisée les cervicales à l’endroit exact où Matthew a bâti sa cabane un peu plus tard. La moto a été détruite dans l’accident. Malgré un bras cassé, Matthew a été cherché les secours qui se trouvait à plus de trois kilomètres du lieu de l’accident. Quand il est revenu avec les Rangers, Élorine avait disparu. La forêt fut ratissée pendant plusieurs jours, mais la jeune femme ne fut jamais retrouvée. Cette nuit-là, c’était donc leurs retrouvailles, bien que Matthew l’eût imaginée autrement.
Les mains du fantôme continuaient à serrer son cou. 
« Je t’aime toujours », dit l’ermite d’une voix étranglée. 
« Allooorrsssss prouvveeee-leeeee » répondit l’entité d’une voix sifflante.
Elle desserra l’étreinte et flotta dans la cabane. Le vieil ermite porta les mains à son cou, reprit sa respiration pendant une bonne minute. Sortie de nulle part, une corde tomba à ses pieds. Il comprit aussitôt ce qu’il devait faire pour que l’amour de sa vie trouve enfin la paix. 
La tempête avait faibli, les branches ne frottaient plus contre la cabane, le calme était revenu dans la grande forêt. Le fantôme d’Élorine s’était assis sur le lit du vieil ermite. C’était étrange, car on voyait la fenêtre et la pâle lumière du jour à travers elle. 
Le vieux Matthew se releva et prit la corde. Il s’approcha d’Élorine et, malgré son visage hideux, l’embrassa en se remémorant leur premier baiser derrière l’église du village. C’était froid et humide, mais c’était elle, c’était ses lèvres, du moins les imaginaient-ils avec force.
« S’il te plaît, mets-toi dans le chaudron », dit-il enfin après ce long baiser. 
Élorine obéit et flotta jusqu’au chaudron posé sous une fenêtre dans un coin de la grande cabane. Mathieu lui sourit une dernière fois, puis attrapa sa chaise et sortit. 
Un air frais lui glissa sur le visage. Entre les branches, un bleu pâle annonçait l’aube. L’ermite s’avança jusqu’au grand chêne au tronc noueux qui faisait face à sa cabane. Il avait autrefois percuté cet arbre avec sa moto, envoyant Élorine se briser les cervicales dessus.
Sous la plus grosse des branches, il passa la corde, fit un nœud et attacha l’extrémité autour du tronc. Enfin, il monta sur la chaise puis passa le nœud du lasso autour du cou. Sa dernière vision fut celle de la silhouette d’Angélina debout derrière la fenêtre. Elle lui adressa un petit signe de la main au moment où le vieil ermite sauta de la chaise. Le chant d’un oiseau perché sur la cime du chêne masque à peine le craquement des cervicales d’un homme enfin libéré de ses tourments.
Le vieil ermite avait une sœur qui venait de temps en temps lui rendre visite. Une semaine après son suicide, elle le retrouva pendu au chêne. Alors qu’elle appelait les secours, une main se posa sur son épaule. Elle se retourna vivement et aperçut une jeune femme très belle qui n’avait rien à voir avec la robe grisâtre qu’elle portait. Elle reconnut Élorine. Quand les secours arrivèrent, Élorine avait disparu. Enfin non, elle s’était enfuie à travers la forêt, comme une jeune femme tout à fait vivante. Nul ne sait ce qui advint d’elle…

Voilà donc cette histoire qui a remis en cause toutes mes déductions précédentes. Matthew ne pouvait pas tirer ce récit d’un rêve ou d’un fait vécu vu le vieil âge du protagoniste. Pourtant, Matthew lui avait donné son prénom et avait nommé l’héroïne malheureuse Élorine. Moi qui en avait conclu que c’était sa sœur, je m’étais lourdement trompé. Toutefois, il y avait plusieurs points communs avec les autres histoires : la cabane dans les bois, le chaudron, le fantôme d’une Élorine devenue grande, sa mort. Sa résurrection restait un point mystérieux mais ça m’a mis un peu de baume au cœur, car dans toute la noirceur des histoires de Matthew, j’y ai vu comme un signe d’espoir. D’ailleurs, pourquoi Matthew voulait que cette fille ressuscite ? Aurait-il des remords à son sujet ? Se sentait-il coupable de ne pas l’avoir aidé à un moment crucial de sa vie ? Pourquoi s’est-il sacrifié ? Matthew avait-il des visions ? Nous montrait-il son avenir ? De plus, j’avais dû mal à situer cette dernière histoire dans le temps, mais j’ai noté une amélioration notable dans le style littéraire. Matthew était donc plus vieux quand il a rédigé ce texte.  

Par la complexité de ses textes et de sa personnalité, vous comprendrez pourquoi ce gosse me fascinait au point que j’en perdais le sommeil. Je me sentais dans la peau d’un capitaine aux commandes d’un bateau en perdition. J’ai donc ressenti le besoin de reprendre le contrôle et l’évidence m’a comme sauté au visage : remontrer sa trace, savoir quand ses histoires ont été postées pour, on ne sait jamais, l’aider, enfin si c’était encore possible. 


A suivre chapitre 6 : Recherches et découvertes.

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dimanche 18 février 2018

Les effrayantes histoires d'un enfant (Chapitre 4)



Chapitre 4 – Une visite chez le psy

Encore une fois, afin que cela soit plus clair, je n’ai pas suivi l’ordre des histoires de son blog et j’ai pris celle qui était le plus susceptible de correspondre à la quatrième histoire. À l’image de son cauchemar, cette histoire est un fait vécu, elle raconte une visite chez son psychanalyste. Carlene pensait donc que son fils était fou. Pourquoi a-t-il posté cet entretien dans son blog ? Je n’en sais fichtrement rien. De plus, il n’a pas signé ce texte de son pseudo habituel Creddy, mais avec un autre pseudo, W.A.


Premier entretien trouvé sur son blog

Je suis assis sur ma chaise, derrière le bureau du grand monsieur à la blouse blanche. Il s’appelle Andrew, il est plutôt sympa bien que ses questions me dérangent parfois. Je n’écris ici les choses concernant les évènements les plus intenses de ma vie. Je fais attention à ce que je dis car ma mère est assise sur le siège à côté de moi. 
« Alors jeune homme, as-tu revu la petite fille ? »  
Je regarde ma mère.
« Allons, il ne faut pas avoir peur de parler devant ta maman ».
Ma mère me frictionne le dessus de la tête pour m’inciter à parler de ce que j’ai vu la nuit dernière. De toute façon, elle ne me croit jamais, alors je vais lui dire ce que je vais vu, puisque c’est ce qu’il veut. 
« Oui, je l’ai vue. »
« Et que faisait-elle ? »
« Rien, elle regardait la porte de ma mère. »
« C’est la seconde fois ».
« Elle le fait les soirs de pleine lune. »
« Et d’après toi, pourquoi de pleine lune ? »
« Je ne sais pas monsieur ».
« D’accord. Et que fait-elle après ? »
« Quand la lune est blanche, elle marche vers le fond couloir, mais elle est rouge, elle colle son œil blanc à la serrure de ma porte. »
« Son œil blanc ? »
« Oui, il est tout blanc, il me fait peur. »
« Bien et pourquoi s’intéresse-t-elle à ta chambre uniquement quand la lune est rouge ? »
« Je ne sais pas monsieur. »
Andrew note plein de choses sur un cahier quand je parle.
« D’accord. Et…où est-elle allée après ? »
« Je... »
Je regarde ma mère et son sourire. C’est un faux sourire, elle fait semblant, derrière ses lèvres j’entends grincer ses dents. Mais tant pis pour elle, elle a voulu que je vienne ici, alors tant pis pour elle si ça ne lui plaît pas ce que j’ai vu.
« Tu veux que ta maman sorte de cette pièce ? »
« Je…non. » mentis-je, car sinon je vais avoir le droit à la grande colère.
Ma mère me gratouille encore le dessus de la tête avec son faux sourire et ses ongles pointus. Ça me fait un peu mal, je souris moi aussi avec un faux sourire.
« Alors Matthew, qu’a fait cette petite fille après s’être intéressé à vous ? »
« Elle a marché jusqu’au fond du couloir car c’était une lune blanche. »
« Et c’est tout ? »
« Non, ce n’est pas tout, elle… elle a tourné à droite. »
« Et qu’y a-t-il à droite ? »
Je regarde à nouveau ma mère. Elle m’a toujours défendu de sortir de ma chambre les nuits de pleine lune. Si je dis la vérité, elle va se fâcher, elle pourrait savoir que j’ai écouté la petite fille jouer derrière la porte de la cave. 
« Des portes. »
« Et qu’y a-t-il derrière ces portes ? »
« Des pièces. »
« Tu peux me les nommer s’il te plaît ? »
« Euh, il y a la pièce du linge sale…la pièce où je joue…la cuisine…la salle de bains, et… »
« Et ? »
« La cave… »
Je regarde ma mère : déjà grands, ses yeux semblent encore plus grands, ils me font peur.
« Tu crois que cette petite fille est allée à la cave ? »
« Je…je ne sais pas monsieur, je n’ai pas le droit. »
« Pas le droit de quoi jeune homme ? »
« De sortir de ma chambre la nuit. »
Il échange un regard bref avec ma mère ; je sens qu’il est embêté, car ma mère ne lui a pas dit toute la vérité sur ce qui se passait dans la maison. Plus je grandis, plus je me rends compte que c’est une menteuse qui me cache des choses, plein de choses. 
« Bon, d’accord, tu ne sais pas, dit-il un peu contrarié. Et…ce fameux Creddy, as-tu revu sa main ou t’a-t-il parlé ? »
« Non monsieur. »
« Tu sais pourquoi ? »
« Non monsieur, enfin si, je crois qu’il a peur de la petite fille. »
« Pourtant, tu m’as dit que Creddy était un monstre très grand ? »
« Oui monsieur, c’est ce que j’en ai conclu d’après la taille de la main, et je ne sais pas pourquoi il se cache, même quand la petite fille n’est pas là, il se cache. »
« Tu sais où il se cache ? »
« Je suppose que c’est dans ma tête ? »
Un fin sourire étire ses lèvres, il aime bien ma remarque.
« Très bien mon grand, la séance est terminée. Si tu le veux bien, je vais parler avec ta maman. Tu sais où tu dois aller ?
« Dans la salle d’attente monsieur ».
« Parfait ! On se revoit dans quinze jours. Et n’oublie ce que je t’ai dit, je veux voir tous tes dessins, alors ne les oublie la prochaine fois. »
« Oui monsieur. Au revoir William. »  W.A.

Voilà. Je n’ai pas trop compris pourquoi le petit Matthew mettait cet entretien sur son blog, mais sans doute cherchait-il à nous montrer la sévérité de sa mère ? Et pour moi, ça n’a pas raté, cette femme commençait vraiment à me faire froid dans le dos. Elle semblait contrôler son fils, l’oppresser à un point que je ne me doutais pas. Pourtant, si vous vous souvenez bien de ma première impression, j’ai dit que c’était une femme qui aimait le génie de son fils. Oui, le génie seulement, mais pour le reste… Et puis, au fur et à mesure de mes lectures, j’ai pensé qu’elle avait une double personnalité. J’ai donc creusé – selon le point de vue non objectif de Matthew – son caractère et je suis tombé sur le terme « névrotique ». Cela signifiait que cette femme devait souffrir de névrose consécutive à un état de stress permanent. Restait à déterminer la cause de ce stress ? Son gamin ? Un travail stressant ? Un homme mystérieux que le petit Matthew ignorerait dans ses textes ? De lourds secrets de famille ? Enfin je pouvais supputer longtemps sans arriver à la bonne déduction. 

Il y avait plusieurs choses intéressantes à tirer de cet entretien : Creddy aurait peur de la petite fille et donc apparaîtrait à Matthew qu’en dehors des jours de pleine lune. La seconde était que Matthew ne pouvait pas sortir de sa chambre la nuit. Pourtant, il a avoué à nous autres lecteurs qu’il avait désobéi à sa mère et avait écouté la petite fille jouer derrière la porte de la cave. Pour moi, il n’y avait pas de fantôme d’une petite fille, elle était le fruit de sa débordante imagination, il voulait que nous soyons encore plus captivés par ses histoires. Ce qui était franchement le cas.  

Je vous fais suivre maintenant la cinquième histoire – la 13e sur son blog – afin de suivre « l’évolution » de la petite fille. Elle porte le même prénom (Élorine) que dans la première histoire. Je vous préviens, cette histoire est horrible et je la déconseille à toutes les âmes sensibles. 




A suivre chapitre 5 : Elorine.

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dimanche 4 février 2018

Les effrayantes histoires d'un enfant (Chapitre 3)



Chapitre 3 - Creddy et la petite fille.

Histoire 3 – La main de Creddy


Je calais sur l’idée de ma troisième histoire. En plus, Creddy me chuchotait des choses indistinctes à mon oreille. Alors que j’allais laisser tomber mes écrits pour toujours et effacer mon blog, sa voix est devenue plus forte. Elle grondait dans ma tête, mais aussi derrière les murs de ma chambre. J'avais mal au crâne tellement c’était fort. Ça me prouvait que Creddy existait vraiment, un peu dans son monde et un peu dans le mien. Mais il ne voulait toujours pas se montrer car il me disait que j’aurais trop peur de lui. 
Je suis un petit garçon courageux. J’ai donc décidé d’écrire ma prochaine histoire sur lui. J’ai été très malin sur le coup, car je ne connaissais rien de Creddy, si ce n’était à travers ses sombres conseils. Bien sûr, ma mère me demandait souvent à qui je parlais seul dans ma chambre et que quand je lui donnais ma réponse, elle disait que Creddy n’existait pas et qu’il était issu de mon imagination. Alors pourquoi ses lèvres et ses mains tremblaient-elles quand je lui parlais de Creddy ? Comment peut-on avoir peur de quelque chose qui n’existe pas ? 
Pour écrire une histoire sur lui, il fallait que je le voie. Je lui ai demandé de se montrer, de sortir de sa cachette, pas juste me faire croire qu’il est là, mais qu’il soit réellement là. Au début il a refusé, il m’a dit qu’il n’était pas nécessaire que je le voie, qu’il était comme un gros œil blanc me surveillant jour et nuit. Je lui ai dit que ce n’était pas suffisant, que s’il n’apparaissait pas tout de suite, je ferai tout pour l’oublier. Un long silence a précédé sa réponse. Puis il m’a parlé de risques extrêmes. Creddy m'a dit que ce que je verrais ne s’effacerait jamais de ma mémoire, que je pouvais être atteint de graves troubles psychologiques. J’ai haussé les épaules, j’ai dit que je n’aurais pas peur de mon Creddy, car Creddy était mon ami pour toujours. Il a grogné puis a fini par accepter. J’étais fou de joie, j’allais enfin voir mon Creddy. 
Le moment est arrivé. Il m’a dit de prendre un crayon à papier, une feuille, et de fermer les yeux. J’ai obéi sans chercher à comprendre. Je tenais fort le crayon à papier quand il s’est agité sur la feuille. Je n’ai pas osé ouvrir les yeux, mais je sentais que ma main dessinait à toute vitesse. Mes mouvements se sont arrêtés d’un coup. Mon cœur battait très vite. Creddy m’a conseillé de me calmer avant d’ouvrir les yeux. Ce que j’ai fait avec plus ou moins de difficulté, en prenant de grandes inspirations relaxantes. Et puis j’ai ouvert les yeux…
J’ai plaqué une main sur ma bouche pour étouffer mon cri. J’étais choqué. Je ne pensais pas que Creddy ressemblait à ça, je pensais sans doute qu’il me ressemblait un peu, qu’il n’était pas aussi effrayant qu’il le disait. Pourtant, ce que j’avais dessiné les yeux fermés était plus qu'effrayant, c'était l'horreur. Certes, ce n’était qu’une main, mais cette main ne pouvait pas appartenir à un être humain. Peut-être à un mort, mais pas à un humain. La paume était petite alors que les doigts étaient extrêmement longs. Quatre doigts, dont le pouce, étaient repliés sur la paume qui touchait le haut du dessin. Le pouce avait l’air cassé, car il était tiré vers l’arrière et parallèle aux autres doigts repliés. Le seul doigt déplié était l’index. Il pointait vers moi et touchait le bas du dessin. L’os était mince, mais les phalanges étaient grosses et piquetés de trous. Le bout sans ongle était pointu comme une aiguille à tricoter. 
Une fois calmé, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai dit à Creddy que c’était bon, que je n’avais déjà plus peur, qu’il pouvait apparaître. C’est alors que j’ai entendu des cliquetis. Je me suis mis à trembler, je frissonnais de la tête aux pieds. Les cliquetis ont continué, ça faisait tic-tic-tic près de moi. Creddy se taisait. Tic-tic-tic. Creddy ? Tic-tic-tic. Je me suis penché sous le bureau. Tic-tic-tic. Ce n’était pas sous le bureau, c’était plus loin, près de mon lit. Tic-tic-tic-tic. La main aux doigts pointus de Creddy essayait de grimper sur mon lit. J’ai hurlé. Tic-tic-tic-tic-tic. La porte de ma chambre s’est brusquement ouverte. Ma mère, les cheveux défaits, m’a demandé ce qui se passait. Terrorisé, je lui ai montré la main qui tentait de grimper sur mon lit. Elle a froncé les sourcils, m’a dit qu’elle ne voyait rien. Je n’ai pas compris car la main de Creddy était bien là, je la voyais comme je voyais ma mère. Elle s’est approchée à grands pas du lit que je pointais toujours avec l’index. La main de Creddy s’est précipitée sur elle, lui a attrapé une cheville, a tiré sèchement. Ma mère a crié, puis elle est tombée lourdement sur le parquet. J’aurais dû l’aider à se relever, mais j’étais pétrifié par ce qui venait de se passer. C’est alors que l’incroyable est arrivé. Ma mère s’est péniblement relevée et m’a dit : « Pourquoi tu m’as fait tomber ? » Ma jambe droite s’est repliée sous le bureau, car je l'avais étendue pour je ne sais quelle raison, mais pas pour la faire tomber ! Puis ma mère a vu le dessin de la main de Creddy et l’a déchiré en mille morceaux en me traitant de fou…

Voilà pour le début de la représentation physique de son ami imaginaire. Pour moi, sa personnalité dissociative s’est affirmée dans cette 3e histoire, son monstre prenant corps dans la réalité. La réaction de la mère nous prouve l’hallucination de son fils, le dessin aussi, car consciemment ou non, l’index de la main est pointé vers son auteur. On en apprend aussi un peu plus aussi sur le rapport mère/fils. Je comprends tout à fait la réaction de Carlene, son fils est responsable de sa chute, mais le traiter de fou ne peut l’aider à avoir une opinion juste de lui-même. Toutefois, la grande question était de savoir si cette histoire était inventée de toutes pièces ou si c’était un fait vécu, un fait qu’il aurait transformé à sa sauce pour nous montrer pourquoi pas, le côté incrédule de sa mère à travers ses écrits ?

La quatrième histoire que je vais vous présenter n’apparaît pas dans le même ordre que présentée son blog. Elle apparaît bien plus loin, bien plus tard, puisque le gamin dit avoir 11 ans lors de sa rédaction, soit trois ans plus tard que son premier texte. Je fais cela à des fins de clarifications, pour rapprocher des éléments ayants des points communs entre eux, car la profusion de détails dans d’autres histoires est impressionnante pour un gamin de son âge. J’estime donc que cette histoire à des points convergents avec la troisième, les deux mentionnant un monstre imaginaire.

Histoire 4 – La petite fille du couloir

L’œil blanc m’observe depuis le trou de la serrure. Je ne sais pas pourquoi Elle fait ça. J’aimerais La voir, Lui parler, mais Elle s’enfuit dès que je m’approche de la porte de ma chambre. On dirait qu’Elle a peur de moi. Creddy reste silencieux. Pourtant sa grande main moche pourrait m’aider à l’attraper. 
L’autre, nuit, j’ai entendu les craquements du plancher dans le couloir. C’était Elle. Je l’ai aussi entendu gémir, c’était effrayant, Elle allait et venait dans le couloir, semblait très nerveuse. Puis Elle s’est arrêtée devant la porte de la chambre à ma mère et l’a fixée sans interruption. Pourquoi fait-elle ça ? Je me demande qui est cette petite fille ? Elle est apparue l’autre soir, après un cauchemar où la silhouette de la grande dame avec un bébé décapité. Une lune rouge éclairait la fenêtre de ma chambre. Je n’aime pas les lunes rouges, on dirait que ma chambre est remplie de sang. Je ne veux plus faire ce cauchemar, j’ai peur d’y être enfermé pour toujours. 
Ma mère s’énerve quand je lui parle de la petite fille et de mon cauchemar. Elle m’a encore traité de fou. J’ai l’impression qu’elle me cache des trucs, qu’elle sait qui elle est. Ces derniers temps, ma mère va souvent à la cave. Qu’y a-t-il à la cave ? Je n’ai pas le droit d’y aller et Creddy ne veut pas y aller, il dit que cet endroit lui fait peur, car il s’y est passé des choses terribles par le passé. Demain, c’est mon onzième anniversaire. Je ne sais pas si ma mère va le fêter. Si vous me lisez, souhaitez-moi un bon anniversaire, car je me sens un peu seul ces derniers temps…

J’ai été très intrigué par cette histoire car Matthew nous raconte ce qu’il se passe chez lui et dans sa tête avec cette horrible cauchemar. L’histoire 2, celle de la femme avec son bébé décapité dans les bras, c’était donc son cauchemar et non une histoire de son invention ! Matthew et son Creddy n’avaient rien inventé, le gamin n’avait fait que coucher sur papier un cauchemar récurrent ! La grande question que je suis alors posé était…pourquoi ? Pourquoi faisait-il ce cauchemar ? Avait-il été traumatisé par un film d’horreur vu au cinéma ou à la télévision – toutefois, dans ses histoires il n’avait jamais fait mention de ses activités ludiques –, dans un livre, ou avait-il déformé la réalité ? Quelle réalité d’ailleurs ? Je n’osais y penser car ça me faisait froid dans le dos qu’un gamin puisse assister à ce genre d’horreur. Je me bornais donc à croire qu’il s’agissait d’une peur que son inconscient avait transformé en rêve horrible.  

Une autre question me turlupinait l’esprit : pourquoi sa mère passait-elle autant de temps dans sa cave ? Pourquoi un gamin de 11 ans n’avait pas le droit d’y aller ? Pourquoi le monstre fictif Creddy en avait peur ? À ce stade de mes lectures, je ne pouvais encore apporter aucune réponse, mais je sentais que j’étais sur la bonne voie.

Enfin, j’avais noté sur mon carnet regroupant mes notes de toutes ces histoires, ce détail très important : « L’œil blanc m’observe depuis le trou de la serrure ». Rappelez-vous ce que le petit avait dit sur Creddy : « Creddy m’a dit qu’il n’était pas nécessaire que je le voie, qu’il était comme un gros œil blanc me surveillant jour et nuit ». Cela faisait donc deux entités (Creddy et la petite fille) avec la même caractéristique, l’œil blanc. Je ne voulais pas en tirer de conclusions hâtives, mais je m’étais dit que peut-être, le petit Matthew voyait Creddy d’une certaine façon le jour, et d’une autre façon la nuit. Restez donc à comprendre pourquoi Matthew donnait deux visages opposés à son imagination, un monstre puissant le jour, une petite fille d’apparence fragile et effrayant la nuit. 


A suivre chapitre 4 : Une visite chez le psy.

Toute la partie 1 (10 chapitres) en libre consultation sur le blog des chroniques de l'Obscurité.

La partie 1 est libre de droits et peut être librement partagée. Les youtubeurs devront me laisser un message pour une éventuelle vidéo.




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