Hé les gars, j’ai trouvé cette histoire en tapant « masque/peau séchée/cheveux/pleurs » dans Google. Vous en pensez quoi ? Parce que moi, elle me fait carrément flipper ! Euh, si je vous parle de ça, c’est à cause d’évènements pour le moins bizarroïde qui se passent chez moi depuis hier soir. Mais avant de vous les expliquer, il vaut mieux que vous compreniez certains trucs. Alors, lisez, s'iou plait :
_____________________
Mon grand frère (on a 3 ans de
différence d’âge) c’était mon meilleur ami, mon confident, le mec avec qui je
partageais tout. Et forcément, on ne se cachait rien. Du moins je le croyais.
Plusieurs jours avant de tomber dans les escaliers, il était devenu étrange,
bizarre, très agité, sans jamais m’en donner les raisons. Lui qui était un
moulin à paroles, ne me parlait presque plus. J’ignorais encore ce qu’il le
tourmentait, car à mes yeux, en tant que grand frère, il était du genre
indestructible. C'était mon super héros, celui qui filait des raclées à ceux
qui m’emmerdaient à l’école et me refilaient ses vieux devoirs.
Conséquence de sa chute dans les escaliers :
fracture du crâne et des vertèbres cervicales. Paralysé, il ne se déplaçait
plus qu’en fauteuil roulant et s’exprimait par des gestes désordonnés et des
bruits de gorge car il ne pouvait plus parler. D’après les médecins le choc
avait aussi occasionné des pertes de mémoire. Il était très agité en voyant
papa mais la vraie raison de son énervement se trouvait ailleurs.
Deux jours après avoir quitté
l’hôpital mon frère est mort. Au petit matin, en lui apportant son petit
déjeuner, je l’ai découvert gisant par terre, dans une position désarticulée,
entre le lit et son fauteuil roulant. Je me souviendrais toujours de la couleur
bleu-pâle de son visage, ses yeux écarquillés, sa bouche grande ouverte. Son
visage me hantera jusqu’à ma mort.
Les longs sanglots ont commencé le
soir de son enterrement. La famille venait de partir, me laissant seul avec mon
père. Alcoolisé et dévasté, il avait fini par s’endormir sur le canapé du salon.
Je suis monté me coucher dans le
lit de mon frère. Sa chambre était située face à la mienne et n’était séparée
que par un couloir qui distribuait les autres pièces du premier étage. Je me
sentais très triste, très seul. J’avais joué à l’homme dur en retenant mes
larmes toute la journée, mais là, je n’en pouvais plus. Alors je me suis laissé
aller en regardant tous nos souvenirs posés sur les étagères ou accrochés aux
murs : batte de base-ball, casquette, photos, figurines, jouets, places de
cinéma, boîte de Mac-Do, etc. Puis j’ai éteint la lumière…
J’ai fini par m’endormir, enfin
je crois, du moins je l’espérais, car ce que j’allais vivre ensuite avait tout
d’un cauchemar. Des pleurs ont troublé mon sommeil. Je me suis réveillé. Au
début je les entendais assez faiblement, ils provoquaient de quelque part dans
la maison. Puis ça s’est rapproché de ma chambre. Ce ne pouvait pas être ceux
de mon père, c’était trop aigu. Ça ressemblait plutôt à ceux d’une petite
fille. Inutile de préciser que je ne me sentais pas très bien, j’étais glacé
jusqu’aux os et incapable de faire autre chose que de fixer la porte ouverte.
La lumière de la pleine lune
donnait une couleur pâle au couloir. Une ombre a grandi dessus et des pas ont
fait craquer son bois. J’ai un instant espéré que ce soit ceux de mon père,
mais ils étaient bien trop légers. Et plus ça se rapprochait, plus les pleurs
augmentaient.
Ce que j’ai cru être une ombre
était la silhouette d’une petite fille. Elle pleurait et se tenait sur le seuil
de la porte. J’étais terrifié, mais ma raison cherchait une explication. Le
voisin avait une gamine et j’ai un instant pensé qu’elle s’était peut-être
perdue en pleine ? C’est idiot je sais mais avant de sombrer dans le
paranormal, il faut se rassurer.
Bras en avant, elle s’est
précipitée vers moi. Je me suis collé contre la tête de lit en hurlant. Elle
s’est arrêtée à moins d’un mètre. Une odeur de terre se dégageait d’elle. La
fillette s’est arrêtée de pleurer et m’observait en penchant la tête d’un côté
puis de l’autre. La pâleur du couloir derrière elle découpait sa sombre
silhouette et j’ai vu ses longs cheveux noirs et les bosses de son visage. Je
voyais aussi le relief saillant de ses clavicules. Son corps maigre portait une
chemise de nuit gris foncé.
Elle a soudainement levé un bras
vers les étagères et une masse est tombée sur la moquette. À reculons, en
recommençant à pleurer, elle est sortie de la chambre. Elle reculait toujours
quand le plancher du couloir a craqué puis les marches de l’escalier. Je fus un
peu soulagé quand ses sanglots se sont tus au loin…
Je ne me rappelle plus combien de
temps je suis resté sans bouger. La lumière du jour m’a sorti de ma léthargie.
J’avais les muscles tétanisés, la gorge sèche et les yeux me piquaient. Sur la
moquette, j’ai aperçu un carnet à la couverture sombre. Autour, des fleurs
séchées formaient une couronne. Je me suis levé et j’ai pris le carnet. J’ai
été surpris par son poids. Le cuir craquelé de la couverture était humide,
comme sorti récemment de l’eau.
Avant d’écrire les extraits, je
vais préciser que ce journal parle d’une fille (Samandra), et, chose plus
surprenante, de mon frère. L’écriture est aussi étrange, jamais la même, tantôt
enfantine, tantôt adulte, tantôt fine, tantôt nerveuse, voire incompréhensible.
On dirait qu'il a été écrit par plus de deux personnes. Les dates n'ont pas
d'années. Ce carnet est donc impossible à situer chronologiquement. De plus, je
ne pense pas qu'il soit vrai. Je vous lis celles que j’avais pris soin de
noter :
4 septembre
Ils se moque de moi ! Ils n’arrêtent pas de se moquer de moi !
J’ai mal au cœur et dans la tête. Je ne veux plus aller à l’école !!
8 septembre
Maman m’oblige toujours à aller à
l’école. JE LA DETESTE ! MAIS JE L’AIME AUSI.
11 septembre
Pourquoi maman m’a apelé
Samandra ? Les vilains garçons rigolent de moi ! C’est ridicule comme
prénom !! Mais de toute façon, ça n’aurait rien changé, tous les garçons
sont des IDIO !
2 novembre
J’ai encore mal dormi. J’ai des
hallucinations visuelles et auditives. J’entends une petite fille pleurer. Puis
je la vois. Elle ne me veut pas de mal, mais elle me dit des choses terribles
sur papa. Je n’ose pas lui en parler, il va me traiter de fou et pourrait
recommencer à me frapper. Il boit de plus en plus. La mort de maman n’a rien
arrangé. Pourtant il lui avait promis de ne plus boire. Parfois je le déteste.
3 novembre
J’étais tellement de mauvaise
humeur que j’ai frappé mon meilleur copain. J’avais besoin de me défouler. Je
lui ai cassé le nez. Le pire c’est que ça m’a fait plaisir de faire ça. La nuit
qui vient m’angoisse. Je me demande le petit frère entend quelque chose.
J’hésite à le réveiller, car si la fillette ne vient pas, il va sûrement de
fou. Mais si ça continue, je vais lui dire, tant pis pour ma normalité.
31 octobre
C’EST L’ANNIVERSAIRE DE MA MORT !
QUE DANSE LA MORT ! JE SUIS VIVANTE !
5 novembre
Après une nuit tranquille, elle
est revenue. De rage j’ai sauté sur elle. C’était bien une hallucination. Elle
a disparu, mais j’ai entendu sa voix grincheuse. Putain c’était horrible. Puis
les pleurs ont recommencé quelque part derrière un mur de la maison. Ça
m’angoisse tellement que j’ai rien bouffé de la journée. J’ai juste bu des
gorgées de la bouteille de whisky à papa pendant qu’il ronflait sur le canapé.
J’étais assez bourré quand je me suis couché. Je m’étais endormi jusqu’à
entendre ces pleurs qui vont finir par me rendre dingue.
13 octobre
IL ME DETESTENT !! Je ne
veux plus aller à l’école ! Maman ne comprend rien et elle me di que je
suis belle ! ELLE MENT ! JE SAIS QU’ELLE MENT ! Je sais que je
suis diforme. Je sais que je suis horible. JE SAIS QUE JE SUIS LAIDE. Personne
ne veut écouter que quand j’étais petite jai atrapé une maladie !
PERSONNE !! Et pui j’ai si mal au cœur.
6 novembre
Elle m’a dit que papa l’avait
tuée ?? Pourquoi elle me veut ça ? Pourquoi aurait-il fait ça ? J’ai
découvert de grandes fleurs séchées dans le couloir. J’suis pas un pro des
fleurs, mais je pense que ce sont des jonquilles. Je vais les montrer à papa.
Les sanglots ont continué, je vais craquer. Heureusement que le frangin et papa
ne s'aperçoivent pas que je bois pour tenir le coup. Je vais trouver une
solution, j'ai toujours trouvé une solution.
30 octobre
Il préparent quelque chose. Je
suis sûr qu’ils prépare quelque chose. Je les entend chuchoter des sales trucs dans
dos. J’en ai mare, j’ai mal au cœur. Je crois si je meurs et ben c’est mieux et
ça fichera la paix à maman qui en a mar que je pleure tout le temps. Me demande
si elle m’aime comme elle le dit à chaque fois.
7 novembre
Papa m’a hurlé dessus. J’ai cru
qu’il allait recommencer à me frapper. Tout ça parce qu’il croit que j’ai
apporté ces maudites jonquilles à la maison. C’est pas moi, je le
déteste ! J’ai pas osé lui dire la vérité. Finalement, je crois que la
fillette a raison, dans un coup de colère papa est capable du pire. Je me
souviens très bien des torgnoles qu’il me filait quand j’étais gamin. Même si
je ne reçois plus de rouste depuis mes 12 ans, il y a toujours eu énormément de
violence en lui. Je me demande si ce n’est pas lui qui a poussé maman du
premier étage. C’est toujours elle qui venait lui dire d’arrêter de me frapper.
C’est bizarre qu’elle se soit suicidée. Maman n’était pas dépressive. Et puis
il me cache quoi ? Pourquoi il a peur des jonquilles ? C’est
stupide ! Y’a un truc qui cloche. Même s’il me l’a toujours défendu,
demain je vais fouiller sa chambre. Il doit me cacher quelque chose !
31 octobre (Soir d’Halloween)
AUUU
SEEEECCCCOURRRSSSSS !!!! NNNNNOOOOOOOOONNNNNNNNNN !!!!!!
Ce dernier message m’a vraiment
froid dans le dos, car je sais qu’il avait été écrit par la petite fille. Mais
elle était morte.
Dans la journée du 8 novembre,
mon frère est donc tombé dans les escaliers. Six semaines après il était de
retour à la maison, avec son fauteuil roulant. Deux jours encore après, il
était mort et la nuit de son enterrement, j’ai découvert ce journal qui semblait
être écrit par Samandra et mon frère. Sur toutes les autres pages, les mots
« belle, pardon, je t’aime » revenaient sans cesse.
Hormis moi, mon père était le
seul lien encore vivant de cette histoire. Moi aussi j’en avais peur. Je
n’avais que 14 ans quand les faits se sont produits et j’étais loin d’être
aussi costaud que mon frère. Pourtant je devais savoir, je devais faire ce que
mon frère n’avait, peut-être, pas eu le temps de faire, je devais fouiller sa
chambre.
C’était un dimanche. Du coin de
l’œil, j’ai observé mon père quand je descendais au salon. Comme d’habitude, il
a passé son temps à boire et à marmonner dans sa barbe. À pleurer aussi. Je ne
savais pas quand il s’assoupirait, car il tenait bien l’alcool mais fin d’après
il a fini par se mettre à ronfler sur le divan. J’ai aussitôt été ouvrir la
porte de sa chambre. Ça sentait le renfermé, l’urine, le vieux. Mais je me suis
dit que l’occasion ne se représenterait peut-être jamais et j’ai fouillé
partout. Au fond du placard, sous des piles de vêtements froissés, j’ai
découvert une vieille malle en osier. Dedans, il y avait les vieilles affaires
de ma mère. J’étais très triste, je la revoyais encore porter une de ces robes
en taffetas blanc qu’elle mettait pour aller se promener avec moi et mon frère
dans le bois d’à côté. Et puis, accrochées aux mailles du textile, des
jonquilles séchées. Je n’ai pas compris sur le coup.
J’ai entendu les marches de l’escalier
craquer. Je me suis dépêché de tout remettre en place, mais j’ai fait tomber
une pile de vêtements. J’ai alors vu une touffe de cheveux noirs entre deux
pulls. Pressé, j’ai tiré dessus. Mon coeur a cogné dans ma poitrine. C’était un
masque découpé dans une peau séchée. Des touffes de cheveux s’éparpillaient
autour. Des orbites vides et un sourire me fixaient. Ce masque était aussi
effrayant que la fillette de l’autre soir. J’ai hurlé quand j’ai vu la bouche
s’élargir et la peau du masque se rider. Ça s’est mis à ricaner. Une main m’a
attrapé la nuque et j’ai été projeté en arrière. C’était mon père. Il me
hurlait dessus. Quelque chose d’autre s’est fixé dans mon champ de vision. La
petite fille au visage bosselé se tenait sur le seuil de la porte. Elle nous
regardait en ricanant. Le pire c’est que la bouche du masque bougeait en même
temps que celle de la fillette. Mon père m’a arraché le masque des mains et a
fait une chose à laquelle je ne m’attendais absolument pas : il l’a enfilé et
s’est mis à agiter les bras comme un fou. La fillette a alors hurlé de terreur
et s’est enfui par le couloir. Ses longs sanglots ont commencé quelque part
derrière un mur de la maison…
Mon père a retiré le masque en
s’asseyant sur le lit. Alors qu’il le tenait au bout de ses bras tendus il
s’est mis à lui parler. J’avais l’impression qu’il tenait une tête décapitée
entre ses mains. Il lui répétait sans cesse : « tu es belle, pardon,
je t’aime, tu es belle, pardon, je t’aime… ». Je n’y comprenais rien, mais je
savais que c’était l’unique occasion d’en avoir le cœur net. J’ai été chercher
le journal de mon frère et je lui ai demandé des explications. Son visage s’est
détendu en le voyant. Je l’ai ouvert devant lui mais tous les messages de mon
frère avaient disparu au profit d’un seul qui remplissaient toutes les
pages : « tu es belle, pardon, je t’aime, tu es belle, pardon, je t’aime pardon…
»
Il n’y a rien eu de particulier
la nuit qui a suivi cet évènement mais dès le lendemain, à la première heure,
nous avons été chez le fleuriste pour acheter des jonquilles. Puis nous sommes
entrés dans le cimetière du village. Mon père ne parlait pas. Je le suivais en
silence. J’ai cru que nous allions nous recueillir sur la tombe de mon frère ou
celle de ma mère (chose que nous n’avions jamais faite ensemble), mais nous
sommes arrêtés devant d’une très vieille tombe fissurée, en ciment. Sous l’ovale
d’une photo blanchâtre quasiment effacée, le prénom de Samandra était gravé
dans la pierre. Il y avait aussi une date écrite de travers : 31-10-66.
Des pots de fleurs dans différents états de conservation ornaient la pierre tombale.
Certains étaient vides ou cassés, d’autres contenaient des jonquilles fanées.
Mon père a choisi un pot vide et
il a mis le journal à l’intérieur. J’ai alors entendu comme un bruit de succion.
J’ai eu le sentiment que le journal avait été avalé. Mon père a alors dit à la tombe
qu’il s’excusait et que le rituel était accompli. Ah oui, j'ai oublié d'écrire
que mon père, avant de se rendre chez le fleuriste, avait écrit la phrase suivante
dans le journal : tu es belle, pardon, je t’aime.
Sur le chemin du retour, pour la
première fois depuis la mort de ma mère trois ans auparavant, nous avons parlé
longuement de la famille, du village et de la malédiction des masques aux longs
sanglots.
Dans les années soixante, son propre
père, soit mon grand-père paternel, et ses copains avaient pris pour habitude
de martyriser une fillette de 10 ans, Samandra. Sa mère venait d’emménager dans
une vieille cabane forestière, à la lisière de la forêt proche du village. Les torts
de la petite fille étaient d'être pauvre et laide (son visage était bosselé à
cause d’une maladie de peau). Deux mois après la rentrée des classes, le gang
des morveux (surnommé ainsi après les dramatiques évènements d’Halloween) a décidé
de « filer la frousse de sa vie » à leur souffre-douleur. Des parents
(ne dit-on pas tel père, tel fils ?) les ont aidés à
« vraiment » s'amuser pour la nuit d'Halloween. L’un deux était
tanneur et a fabriqué des masques en peau. Un autre était embaumeur et
collectionnait les cheveux des morts. Il les a collés avec de la glue sur les
masques. Le soir du 31 octobre 1966, le visage couvert de ces horribles
artifices, le gang des morveux s’est rendu à la maison de Samandra et attendit
qu’elle soit couchée pour rentrer par la fenêtre entrouverte de la chambre.
Selon les témoignages récoltés
par la police, l’un des gosses a posé une main sur la bouche de la petite fille
pendant que les autres la rouaient de coups. Samandra n’a pas supporté les
coups ni la vision de ces masques. Son cœur malade a lâché. Elle fut retrouvée
morte au petit matin par sa mère dont les pleurs, aujourd’hui encore, hanterait
la maison et la forêt.
L’histoire aurait pu s’arrêter là
si des morts accidentels n’avaient pas succédé à celle de Samandra. On commença
alors à parler de la malédiction des masques aux longs sanglots. Avant leur
accident, les victimes auraient confié à leurs proches qu’elles avaient trouvé
des jonquilles séchées dans des pièces de leur maison. Elles auraient aussi
entendu les pleurs d’une petite fille et auraient vu sa silhouette aux longs
cheveux noirs dans un couloir, prostrée dans un coin de leur chambre ou allongée
dans la baignoire de la salle de bains…
La malédiction frappait à intervalles
irréguliers, n’importe où, mais pas n’importe qui. Seules les familles dont les
gosses avaient participé à l’expédition punitive étaient touchées. Et il n’y
avait pas de limite d’âge, de générations ou de sexe. Des vieux, des femmes,
des enfants mouraient d'une façon aussi accidentelle qu'étrange. Pour tenter de
se faire pardonner, un membre d’une famille a eu l’idée de déposer un vase sur
la tombe de Samandra et d’y laisser un bouquet de jonquilles (les fleurs
préférées de la petite fille) en chuchotant les mots « tu es belle, pardon, je
t’aime ». Puis il les a écrits dans un journal dédié à sa mémoire. Enfin il a
posé ce journal sur la tombe. La malédiction a cessé pour cette famille. Les
autres l’ont aussitôt imité. Le journal a fini dans un vase vide.
Chaque 31 octobre, un membre des
familles concernées par la malédiction doit déposer un bouquet de jonquilles
dans un pot de sa tombe. Puis, après avoir chuchoté la phrase, il doit reprendre
le journal caché dans un pot, inscrire la phrase et le reposer dans le pot. Pour
notre famille, cette charge était dédiée à ma mère. À sa mort, mon père a pris
le relais. Puis il a fini par douter, par se dire que tout ça n’était qu’une
histoire de débiles pour débiles. L’alcool l’aidait à douter malgré la mort de
ma mère empalée sur la grille entourant notre maison trois ans plus tôt. Près
d’elle, on a retrouvé le journal. Personne n'a jamais compris pourquoi elle
détenait, pourquoi elle ne l’avait pas remis dans le pot.
Le 31 octobre dernier, mon père a
fait un pari d’alcoolique : le perdant devait aller pisser dans un pot de
la tombe de la petite fille. Il a perdu ce pari. On connaît la suite...
Le carnet est probablement apparu
dans la chambre de mon frère peu après. Il a sûrement été terrifié par ce qu’il
a lu au sujet de mon père avant qu’il ne tombe dans les escaliers. Je crois cependant
que Samandra inscrivait de faux messages pour lui faire peur. Je me pose
toujours la question de savoir qui l’a poussé dans les escaliers ? Est-il
tombé accidentellement à cause de l'alcool qu'il buvait en cachette ? Mon père soûl
et furieux ? Samandra ? Le fantôme de sa mère ? Et si mon père n'y croyait pas, alors pourquoi
a-t-il gardé le masque aux longs sanglots dans ses affaires ?
Je suis conscient qu’il reste
beaucoup de zones d'ombres à éclaircir, mais je préfère en rester là. Pour
autant, je ne suis pas rassuré et dès que j'entends une gamine pleurer dans la
rue ou à la télé, dès que j'aperçois ne serait-ce qu'une feuille morte sur le
plancher de la maison, je ne peux pas m'empêcher de mettre le masque aux longs
sanglots. J'ai tellement peur qu'elle revienne, j’ai tellement peur de
l’entendre pleurer à nouveau. Pourtant je respecte le rituel, à chaque
Halloween, je n’oublie jamais de mettre des jonquilles dans un pot de sa tombe…
_______________
Voilà les amis, vous savez tout.
C’est vraiment une histoire bizarre, hein ? Enfin, si je vous écris tout
ça, c’est parce que la semaine dernière, j’ai aidé mon cousin a déménagé et on a
trouvé un masque au long sanglot dans une vieille malle appartenant. Il a été
aussi étonné que moi et m’a certifié que ce n’était pas à lui. Il me l’a donné
mais j’ai finalement l’impression qu’il tenait à s’en débarrasser. Et puis la nuit
dernière, j’ai entendu comme des pleurs. Bon, j'habite à côté d’une SPA et j’ai
l’habitude d’entendre couiner des chiens ou que les chats gueulent comme des
bébés énervés. Mais je ne sais pas, ça me semble différent. C’est pas que je
suis peureux mais enfin bon. Alors si quelqu’un a déjà lu cette histoire et sait
quelque chose de plus sur cette malédiction ou encore mieux, a le nom de ce
village, je suis preneur car j’ai téléphoné à mon cousin mais ce con a
changé de numéro, ses parents ne répondent pas non plus et leur maison se situe
à 500 bornes de chez moi et je n’ai pas de voiture...Voyez-vous, ce soir, c’est
Halloween alors je commence un tout petit peu à flipper. Euh, une petite aide
serait sympa. Et vite. Très vite. Merci.
_________________