dimanche 26 août 2018

Les effrayantes histoires d'un enfant (Chapitre 10)





Chapitre 10 – Henri ?



Bon, où en étais-je avec mon histoire du petit Matthew… ah oui… voilà… j’avais besoin d’aide pour mieux comprendre ce garçon et bien sûr sa mère, car je ne pouvais plus me fier à mon seul jugement, à mon unique intuition, j’avais besoin d’avoir une approche différente de la mienne.

Je savais très bien que toutes ces histoires dataient d’au minimum cinq ans, que Matthew était sans doute un adolescent, peut-être un adulte, qu’il pouvait très bien croupir dans un asile psychiatrique. Plus le temps passait, plus je ressentais le besoin obsédant de voir son visage, de m’imprégner du lieu où il avait écrit ses histoires, de visiter tous les endroits mentionnés dans ses textes, qu'ils soient réels ou imaginaires. Je n’en dormais quasiment plus la nuit, ses histoires me hantaient, m'obsédaient à un tel point que j’étais comme un papillon de nuit attiré vers la lumière d'un phare de voiture.  

Ce point de vue extérieur, seul Henri pouvait me le donner. Henri était éducateur spécialisé dans les problèmes de l'enfance. Matthew n’était certes pas un enfant difficile, mais comme l’avait dit son psychiatre, les choses empireraient si personne ne lui venait en aide. Avant de commencer, je voudrais préciser un petit détail pour la compréhension de cet entretien : mon ami Henri a toujours été un pince-sans-rire, un blagueur à froid. À une ou deux exceptions près j’ai tenu bon, je n'ai pas répondu à ses sarcasmes, son avis éclairé étant le précieux sésame dont j'avais besoin pour savoir si je devais oui ou non retrouver physiquement Matthew. Voici donc ce qui s’est à peu près dit. Je dis bien à peu près, car ma mémoire me fait défaut ces derniers jours :

- Ça me fait plaisir de te voir tu sais, m’a-t-il dit en s’asseyant sur une chaise du café dans lequel nous prenions notre petit déjeuner.  

Il devait être 10 heures du matin. Il y avait beaucoup de monde dans ce café situé à mi-chemin entre son chez lui et mon chez moi, bien que je ne me rappelle plus où se trouve exactement son chez lui !

- Et moi donc ! Ça fait combien de temps au juste ?
- Assez longtemps pour que j’oublie les traits de ton visage l'ami, m’a-t-il répondu.
- Tant que ça ? 
- Oui, tant que ça ! Tu as bonne mine, tu as l’air de t’être remis de ton…enfin tu as l’air bien aller !
- Parfaitement ! lui ai-je répondu, je me sens en pleine forme ! Mais m’être remis de quoi ?
- De…non c’est une blague ! Bon, montre-moi ça, m’a-t-il demandé soudain plus impatient.

Je lui ai donné le tas de papiers sur lesquels étaient imprimés les histoires et les dessins dont certains étaient dessinés de ma propre main, comme la petite fille égorgée avec le couteau runique par exemple. Les autres, je les avais imaginés à travers ses histoires, comme le fantôme d’Élorine et l’ermite.

Henri les a étudiés de longues minutes, me jetant souvent des p’tits coups d’œil par-dessus ses lunettes rondes. Ce ballet incessant a fini par royalement m’agacer !

- Alors, qu’en penses-tu ?  
- Tu en as rajouté ? m’a-t-il calmement demandé.
- Comment ça ?
- Les dessins et les histoires étaient moins nombreux la dernière fois.
- La dernière fois ? Quelle dernière fois ?
- Quand tu m’avais demandé de t’éclairer sur ce jeune garçon.
- Totalement impossible, je m’en serais souvenu !
- Oui, excuse-moi, m’a-t-il dit d’un air condescendant.

J’ai haussé les épaules. Sa boutade était tellement nulle ! Lui a remis son nez dans les papiers. S’il les avait déjà vus, alors pourquoi les étudiaient-ils avec autant d'attention ? Impatient, j’ai interrompu le cours de ses réflexions avec une diversion bien placée :

- Tu veux un autre café ?
- Je veux bien merci.
- Alors, qu’en penses-tu ?
- Ce que je t’ai déjà dit…euh non, excuse-moi, je voulais dire que…Matthew a de sérieux problèmes. Tu sais très bien que je ne crois pas aux phénomènes paranormaux, et que toute cette paperasse provient de sa débordante imagination.
- Et ce Creddy alors, que représente-t-il exactement pour lui ?
- C’est pourtant très simple à comprendre.
- Merci de m’éclairer !
- Matthew était sûrement un petit bonhomme faible qui devait se faire maltraiter par ses camarades à l’école. Il avait besoin d’imaginer un monstre capable de le protéger. Toi par exemple, quand tu étais enfant, tu ne t’es jamais imaginé être Superman ?
- Comme tous les gosses de mon époque, oui, sans doute, mais Superman tuait les méchants, ce n’était pas un monstre !
- Matthew est un enfant très intelligent, il sait très bien que les super héros n’existent pas. La projection d’un monstre apparaissant selon son bon vouloir, le protégeant de tout, notamment de sa mère ou de ses mauvais camarades est plus rassurante. Il sait très bien que Superman ne viendra jamais le sauver tandis qu'un monstre menaçant de sortir de ses entrailles, oui.
- Ça n’a pas de sens ce que tu dis Henri, au début de ses écrits, Matthew avait plein d’amis et jouait aux jeux vidéo avec eux !
- Et d’un coup, il s’est ennuyé, ne parlant plus jamais de ses copains dans ses histoires ?
Henri venait donc de rajouter une zone d’ombre dans un esprit déjà bien embrumé. Poursuivant :
- Tous ses écrits, même les plus innocents, font partie d’un fantasme, celui de s'évader de son quotidien qu’il déteste par-dessus tout. Comme je t’en avais déjà parlé avant ton…
- Non, tu ne m’avais jamais parlé de ça ! l’ai-je coupé un peu hargneux.
- Oui, excuse-moi encore, je ne voulais pas que tu te ------- de mauvais souv----…
Sa voix s’est soudainement hachurée, j’ai eu l’impression qu’il me parlait à travers une ligne téléphonique de mauvaise qualité. Puis tout est redevenu normal, comme par magie.
-  …sa mère est l’unique sujet de ses préoccupations morbides. Dans ses histoires, Carlene est le monstre qui égorge la petite Élorine, le monstre qui tue le père, et Creddy est le seul capable de le défendre contre elle. Plus Creddy prendra vie dans ses histoires, plus Carlene sera menacée. Une fois que Creddy sera complet, Matthew lui ordonnera de la tuer et comme Creddy n’existe pas…
- Tu veux dire que Matthew serait capable de tuer sa propre mère ?
- Le psy a été clair à ce sujet : soit il continuait à aider Matthew, soit les choses empireraient à l’adolescence. D’ailleurs, y’a-t-il d’autres entretiens avec le psy que tu ne m’aurais pas apportés ?
- Euh oui, enfin non, enfin je ne m’en souviens plus.
- Peut-être d’autres histoires ?
- Oui, bien sûr, enfin, je ne sais plus.
- Alors fais-moi le résumé des plus horribles ? Je suis sûr que la Grande Dame saccage, détruit, tue encore et encore, s’est-il un peu moqué.

J’ai froncé les sourcils, j’ai essayé de me souvenir, mais rien à faire, j’avais un bloc de béton à la place du cerveau ! Comme seule excuse de ma défaillance, je lui ai sorti :

- Merci de ton point de vue, mais de toute façon, c’est la mère qui est folle, et la preuve la plus flagrante est que le psy la déteste !
- Oui, elle est folle dans les écrits de Matthew, mais dans la réalité ?
- Mais tu as dit que Matthew cherchait à se protéger de sa mère ! Cela veut bien dire qu’elle lui veut du mal !
- Oui, c’est ce que j’ai dit, mais je n’ai jamais dit qu’elle lui faisait du mal. Carlene n’accepte pas que son fils soit un insupportable petit je sais tout, elle déteste ça ! Tu te souviens de cette histoire où Matthew demande à Creddy d’apparaître ?
- Bien sûr que oui !
- La fin de cette scène est hautement symbolique ; Matthew voit cette horrible main de Creddy faire tomber sa mère alors qu’en fait, il lui fait un croche-patte !
- Je sais, j’y ai songé, mais dans ce cas, quel intérêt aurait-il à dénoncer lui-même son crime ? Pourquoi n’a-t-il pas continué à dévier de la réalité dans ses histoires ?
- Tout simplement pour discréditer sa mère, pour montrer à ses lecteurs que sa mère ne le croit jamais, qu’elle le prend justement pour un fou. D’ailleurs, après cette histoire, où se rend le petit Matthew ?
- Au psychiatre, élucidé-je, voyant exactement où mon ami voulait en venir.
- Parfaitement, au psychiatre.
- Je ne sais pas, ai-je balbutié, je pensais tellement que la folle, c’était Carlene !
- C’est le sens exact des écrits de Matthew, il veut que tout le monde constate qu’elle déteste son fils, que c'est un monstre voulant l'enfermer à l'asile. La fin du second entretien avec le psychiatre est édifiante, un mensonge détourné à son profit pour induire le lecteur en erreur. Qui te dit qu’en réalité, ce n’est pas le psychiatre qui veut interner son fils si les médicaments ne lui font pas d'effet ?
- C’est sûr que vu sous cet angle, Matthew a tous les torts !
- Tu t’es trop attaché à ce petit, toutes ces histoires aveuglent ton sens du jugement.
- Moi qui étais venu chercher un nouvel éclairage, me voilà complètement perdu.
- Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi tu prends tout ça à cœur ? Peut-être, qu’après tout, ce ne sont que des histoires, de terribles histoires certes, mais des histoires racontées par un enfant qui déteste sa mère, ni plus, ni moins.

Je n’ai pas su quoi répondre. Il était clair pour moi que c’était bien plus que des histoires, qu’il s’était passé une chose effroyable dans cette maison. Seulement, c’était juste un ressenti, une hypothèse et je n’étais pas vraiment conscient que j’étais addict à cette famille. Quoi qu’il en soit, j’avais décidé de mener mon enquête jusqu’au bout.

- Matthew est peut-être cet enfant que tu aurais aimé avoir, a-t-il poursuivi devant mon silence.
- Oui, sans doute.  

Je me permets d’ouvrir une parenthèse dans cet entretien. Je ne comprends pas pourquoi j’ai dit cela sachant que j’ai un fils de 26 ans ! C’était sans doute une blague de sa part, une blague à laquelle j’ai répondu par de l’ironie bien placée ! Enfin je crois…
  
- D’une manière ou d’une autre, a-t-il repris, que Matthew soit tyran ou victime, que sa mère soit bonne ou mauvaise, qu’Élorine et Creddy soient des montres, des fantômes ou des entités folkloriques, tout ceci est et restera des histoires du passé, écrites il y a longtemps et aujourd’hui, il ne reste que ça, des dessins, des histoires, et ton fameux blog.
- Mais tu parles comme si ça s’était produit il y a des siècles ! D’après mes recherches, je dirais qu’au maximum dix ans nous séparent de sa première histoire !
- Alors le petit Matthew doit avoir au moins dix-huit ans, ce qui est un âge suffisant pour se démerder tout seul ! Enfin s’il n’est pas dans un asile psychiatrique ou en prison après avoir trucidé sa mère d’une dizaine de coups de couteau ! a-t-il plaisanté
- Et si c’était l’inverse, si c’est elle qui l’avait tué !
- Alors Matthew nourrirait les asticots à six pieds sous terre et seul un vieux fou qui lirait des histoires à dormir debout penserait encore à lui !
- Tu es ignoble !
- Non, je…je ne suis pas ignoble je…enfin, enfin…

Il a soudain cessé de sourire, son visage est devenu plus grave, il a regardé autour de lui avant de se pencher au-dessus de la table et de chuchoter comme s’il y avait des gens du KGB dans la salle :

- Sais-tu pourquoi j’ai accepté de te rencontrer ?
- Parce que tu es mon ami !
- Oui, bien entendu, mais c’est surtout pour que tu te concentres sur la seule question qui soit vraiment importante pour toi.
- Et laquelle je te prie ?
- Qui suis-je ?
- Mais tu es Henri, mon ami !
- Non, qui es-tu, toi ?
- Mais c’est quoi ces conneries, je sais très bien qui je suis, je suis, je suis, je...

J’avais beau fouiller ma mémoire, quelque chose m’échappait. J’avais le sentiment de savoir qui j’étais sans parvenir à le dire.  Après s’être redressé, Henri a poursuivi :

- Et sais-tu pourquoi tu ne t’en souviens pas ?
- Non.
- Parce qu’on bloque ta mémoire.
- Tu divagues mon pauvre, bien qu’il ne soit pas faux que mon identité m’échappe toujours.
- Tu sais ce dont tu as le plus besoin ? Ce n’est pas de retrouver la trace de Matthew, mais de te retrouver, toi.
- Je n’ai pas besoin de me retrouver puisque je ne me suis jamais perdu !
- Et si tu avais oublié qu’à un moment de ta vie, tu t’étais perdu ?
- Pouah, n’importe quoi !

Il s’est de nouveau penché au-dessus de la table et a chuchoté :

- Tes souvenirs, ta mémoire, on te les a volés.
- On ? Mais qui sait, on ?
- On, c’est ------ et ------.

Les murs du café, les pieds de nos chaises ont soudain tremblé. Des gens ont crié, se sont levés avant de brusquement se rassoir. Comme si de rien n’était, ils ont repris leurs discussions sans plus montrer aucun signe d’inquiétude. Ce souvenir est toutefois étrange, c'est bizarre, j'ai l'impression qu'il vient d’être rajouté à ma mémoire. Ou peut-être l’avais-je vraiment vécu ? Bon, je reprends :

- Désolé Henri, mais je ne t’ai pas compris, il manquait des mots à tes phrases.
- Oui, c’est -----, le ------- produit cela.
- Le quoi ?
- LUI !
- Qui ça lui ?
- -------- --------

Les murs et le plancher ont encore tremblé, comme si une dangereuse menace rampait sous terre. Les mains bien à plat sur la table du café, le visage figé, Henri m’inquiétait vraiment :

- Arrête de faire l’imbécile, dis-moi immédiatement ce qui se passe ici !
- Tu vois bien que je ne peux pas.
- Enfin Henri, tu n’es pas dans ton état normal !
- Toi non plus, il serait temps que tu te réveilles et que tu ouvres les yeux !
- Mon pauvre, toutes ces histoires t’ont tourneboulé l’esprit !
- Sans doute, mais leur but est de te faire retrouver le tien.
- Quoi ?
- Il est nécessaire que tu te souviennes.
- Mais je me souviens de tout ! Enfin je crois, ai-je dit plus doucement.
- Tu as l’impression de te souvenir de tout, mais c’est un tour de passe-passe pour te contrôler mon vieil ami !

Sa face figée comme un cierge m’indiquait qu’il ne plaisantait pas.

- Me contrôler ? Qui veut me contrôler ?
- Celui qui vient te rendre visite.
- Mon…mon fils que je n'ai soi-disant pas ?

Il a péniblement secoué la tête. J’allais devenir cinglé !

- Mais tu m’as dit que je n’avais pas de fils !
- Dans l’autre souvenir, oui !
- L’autre…l’autre souvenir ? ai-je balbutié.
- Exactement.
- Mais si j’ai un fils, il ne ferait pas de mal à son père ! Et puis comment tu sais tout ça toi, puisque ça fait huit ans qu’on ne s’est pas vus !
- Voilà ! s’est-il exclamé, tu commences à te souvenir !

Un flash : je me revois lui tendre des dessins, mais c’est étrange, ces dessins sont assez grossiers, dessinés par une main d’enfant et différents de ceux que je lui ai donnés. Ils sont aussi moins nombreux.

- Je…je me souviens de quelque chose, mais ce souvenir est comme altéré, on dirait qu’il ne m’appartient pas ou qu’il a été modifié.
- Oui, comme tout ce qui se trouve entre tes deux oreilles.

Il a alors posé le bout de l’index sur mon front. Ce qui était étrange, c’est que je ne ressentais ni sa chaleur, ni même la sensation du touché. C’était vraiment bizarre, j’avais l’impression d’être dans un rêve.

- Mais personne ne peut modifier ma mémoire !
- Oh que si et sais-tu pourquoi ?
- Bien sûr que non.
- Car tu es dangereux.
- Pouah, arrête de dire des conneries maintenant !
- Je n’en dis aucune et je comprends très bien que c’est difficile à croire.

Ses lèvres se sont mises à trembler et des tics nerveux jouaient avec la plasticité de ses joues ridées.

- Mais qu’est-ce qui est difficile à croire Henri ?
- Que tu es ------- et qu’on a volé ta vie !
- Pourquoi aurait-on volé ma vie ? Je me sens très bien, et puis qui aurait pu me faire ça ?
- Je te l'ai déjà dit et l’essentiel est de savoir comment ?
- Comment quoi ? Comment retrouver la mémoire, c’est ça ?

Il a ouvert la bouche mais aucun autre son que le tremblement des murs ne m’a répondu. Cela avait l’allure de répliques d’un vrai tremblement de terre. Ce qui est étrange encore une fois, c’est que ce souvenir semble être un rajout à l’ancien, une superposition. Quand cela s’est arrêté, je lui ai demandé :

- Il y a huit ans, m’as-tu aidé aussi aider à retrouver la mémoire ?
- Tu l’as fait par toi-même et tu sais comment tu as réussi à le faire ?
- Non.
- Grâce aux histoires de Matthew, car elles sont ton passé.
- Mon passé ? Comment ça mon passé, elles sont mon présent !
- C’est ce qu’on te fait croire.
- Tu disjonctes mon pauvre !

Le hurlement d’une bête lointaine m’a couvert de frissons. J’ai jeté un coup d’œil par la fenêtre : une nuit d’encre noyait le paysage. C’était impossible puisque j’étais arrivé ici sur les coups de 10 heures du matin ! Cela ne faisait pas douze heures que l’on discutait !

- Je ne suis plus sûr que ce soit mon souvenir, ai-je dit. Quel est cet endroit ?
- C’est notre prison mon vieil ami, une prison d’os, de chair et de…souvenirs.
- Tu veux dire que…on est enfermés ici, tous les deux ?
- Non, il n’y a que moi. Toi, tu n’es pas vraiment là.
- Pas…vraiment…là ?

Une main a serré mon épaule gauche, non ce n'est pas ça, une main serre mon épaule, là, maintenant ! Une voix tonne dans mon souvenir tel un orage furieux :

- On dort devant son écran !
- Écoute-moi mon vieil ami : questionne ta ----, regarde des -------, ton ---- n’est pas ton ----- ! Tu as eu un ------------, va jusqu’au bout des ----------- de Matthew, fouille ta mémoire, retourne à la maison des ----- ! SAUVE-MOI !

Les yeux écarquillés, Henri se lève droit comme un I. Son visage se constelle de fissures, se désagrège, tombe en poussières, comme les murs du restaurant ! Je hurle, mais que se passe-t-il, tout se déchire ! Où suis-je ?



Fin de partie 1.
Partie 2 et 3 en vente sur Amazon le 11/09/18.

Toute la partie 1 (10 chapitres) en libre consultation sur le blog des chroniques de l'Obscurité.

La partie 1 est libre de droits et peut être librement partagée. Les youtubeurs et autres conteurs devront me laisser un message pour une éventuelle vidéo ou diffusion écrite.





Rejoignez la communauté GOOGLE des Chroniques de l'Obsucurité

Le blog de l'enfant qui écrivait des histoires
https://mycreddy.blogspot.ca

Le blog "Mes chroniques de l'Obscurité" (abonnez-vous !)

La facebook "Mes Chroniques de l'Obscurité" (likez !)

2018@Gebel de Gebhardt Stéphane.

dimanche 19 août 2018

La poupée intelligente




Je suis né un 4 juillet, le jour de l’Indépendance. Mon histoire commence quelques jours après mon anniversaire. J’avais reçu le cadeau de mes rêves, la première poupée dite « intelligente ». Elle s’adaptait à la personnalité de sa propriétaire et répondait par des phrases gentilles ou amusantes. C’est vrai, la poupée n’était pas très belle, avait une apparence vieillotte mais je l’aimais. Et puis ma poupée s’est mise à parler. Enfin elle me parlait déjà, mais de sa bouche en porcelaine est sortie une insulte. J'étais terrifiée, je me suis précipitée dans la cuisine où se trouvait Anaïs, ma mère.
  
- Maman, maman, la poupée elle parle !
- Bien sûr Léa, Natacha est une poupée très intelligente.
- Non, elle dit des trucs méchants qu’elle disait pas avant !
- Ta poupée dit tout ce que tu veux bien entendre ma chérie.
- Mais elle m’a dit que tu es une salope !

Ma mère a sursauté. On était dans la cuisine, sa cuillère est tombée dans la grande marmite.  

- Comment ça ? s’est-elle exclamée, horrifiée.
- Oui, je la berçais contre moi, puis elle m’a dit « ta mère est une salope ! » Après elle a ricané ! Je déteste son rire, je la déteste !

J’ai jeté la poupée par terre ; un craquement s’est échappé de son corps et un petit rire interrompu m'a glacé le sang.

- Enfin Léa, c’est impossible.
- Non, j’ai très bien entendu, ai-je persisté, tu es une salope qu’elle a dit Natacha.

Natacha était le nom de ma poupée. Ma mère a écarquillé les yeux avant de s’avancer brusquement vers moi. La claque a fait un bruit retentissant, comme un coup de fouet. Sur le coup, j’ai haï ma mère de m’avoir frappé. Je me suis mise à pleurer tandis que Natacha continuait à rire cyniquement.

Le soir de cette horrible journée, comme pour me punir, ma mère a posé ma poupée sur la chaise face à mon lit alors que je voulais la jeter.

- C’est un cadeau de mamie, tu la gardes ! a dit ma mère toujours fâchée.

Elle m’avait envoyé me coucher juste après le souper. J’étais aussi en colère contre elle puisqu’elle ne me croyait pas. Face à mon lit, dans la semi-obscurité de ma chambre, je voyais briller les yeux en porcelaine de ma poupée. Quand ils ont bougé, j’ai mis mon oreiller sur la tête, ce qui ne m’a pas empêché d’entendre une petite voix terrifiante dire :

- Tu m’as fait mal, tu sais.

Je n’ai pas répondu, je tremblais de tout mon corps.

- Je crois même que tu m'as cassé les deux bras et le ventre.

J’ai plaqué mes mains contre mes oreilles en poussant un cri. Pourtant, je continuais à entendre sa petite voix aigrelette :    

- Ce n’est pas bien d’avoir fait ça car je t'ai dit la vérité.
- Non, tu mens, TU MENS ! ai-je hurlé dans l’oreiller.
- Je suis programmé pour ne pas mentir, pour dire ce qui est et ce qui n’est pas.

Je n'ai pas trop compris son charabia. J’ai entendu une masse tomber sur le parquet stratifié de ma chambre puis de petits pas rapides m’ont littéralement terrifié. La sensation que quelque chose grimpait sur mon lit m’a encore fait hurler. Ma mère est alors entrée dans ma chambre.

- Que se passe-t-il encore ici ?
- La poupée, elle est montée sur mon lit ! ai-je crié en me redressant.
- Comment ça ?

Malheureusement, ma poupée n’avait pas bougé, toujours assisse sur la chaise face à mon lit. Une petite lueur rouge brillait dans ses yeux de porcelaine.

- Ne dis pas de sottises Léa et rendors-toi, demain tu as école.

Elle m’a bordé, m’a embrassé sur le front. Sa peau dégageait cette odeur détestable, une odeur de sueur et d’autre chose de dégoutant. Et puis sa chemise de nuit était presque transparente, je voyais sa nudité à travers. Quand mon père était là, elle portait un pyjama en coton. Dès qu’elle a refermé la porte, j’ai entendu :

- Tu as senti l’odeur de ta mère, c’est l’odeur d’une salope !

Sidérée par ses propos, je suis restée muette et me suis réfugiée sous mon oreiller.

- Dès que tu dors, elle baise avec d’autres types !
- C’est faux ! ai-je hurlé.
- Faux ? Comment peux-tu le savoir puisque tu dors quand elle s’envoie en l’air avec tous ces hommes !

J’ai toujours eu des doutes sur les activités de ma mère quand mon père s’absentait, mais je continuais à le nier. Un ploc a ébruité le parquet puis des petits pas rapides se sont de nouveau fait entendre. Quelque chose a tiré sur la couette puis mon matelas s’est légèrement enfoncé. Mes cris se perdaient dans l’oreiller contre ma bouche.

- Dès que ton père part sur la route, elle ne pense qu’à ça !

La voix était si proche, si proche de moi que j’avais l’impression qu’elle était dans ma tête. Le matelas a commencé à bouger, Natacha sautillait entre mes jambes.

- Va voir si tu ne me crois pas !

Ma poupée s’exprimait comme une petite fille, conformément aux promesses de cette publicité à la télévision. Toutefois, j’étais loin de m’attendre à ce que Natacha devienne vulgaire et qu’elle sautille sur mon lit !

- Arrête ! ai-je crié en me redressant.

Et je l’ai vue comme je voyais un chat qui traversait la rue, j’ai vu ce halo rougeâtre autour de son petit corps de poupée en porcelaine, ce rictus qui déformait son visage, ses sourcils froncés, ses yeux qui semblaient exprimer une colère noire.

- Pense à ton pauvre papa. Que dirait-il s’il voyait ta mère faire ces horreurs avec d’autres hommes ?

Elle ne m’a pas laissé répondre, elle s’est approchée et a chuchoté à mon oreille :

- Il se vengerait ma petite Léa, il se vengerait de ta salope de mère.   

C’en était trop. J’ai voulu attraper Natacha par le cou et...mes mains n’ont rencontré que le vide. La poupée était toujours assise sur sa chaise, un petit rictus niché au coin de ses lèvres purpurines.

Malgré une nuit blanche, j’ai eu hâte d’aller à l’école. J’y ai retrouvé Noémie, ma meilleure copine. On a parlé de nos poupées intelligentes, car ses parents lui en avaient aussi offert une. Enfin elle, c'était pour ses bonnes notes contrairement à moi qui n'étais pas très bonne élève. Noémie m’a ri plusieurs fois au nez quand je lui ai dit que ma poupée marchait et qu’elle disait des choses pour le moins étranges.

- Arrête de dire n’importe, ce n’est pas possible, la mienne dit toujours la même chose et ne marche pas !

Soit elle était jalouse, soit elle disait la vérité et j’avais un sérieux problème avec Natacha. Pour ne pas compliquer notre relation, je lui ai dit que ma poupée connaissait des dysfonctionnements.

Je n’habitais qu’à quelques rues de l’école et je rentrais chez moi à pied. Sur le chemin du retour, je songeais à la meilleure façon de me débarrasser de Natacha. Je ne pouvais plus garder une poupée qui disait des mensonges sur ma mère. Toutefois, elle avait raison sur un point : il se passait des choses étranges dans sa chambre quand mon père n'était pas là.

Le mot « salope » tournait en boucle dans ma tête quand j’ai poussé la porte d’entrée de ma maison. L’idée de revoir Natacha ou seulement d’entendre sa voix me tordait les tripes. Ma mère rentrait toujours de son travail trente minutes avant moi, ce qui lui laissait le temps de préparer mon goûter. À peine suis-je entré dans la cuisine qu’elle m’a demandée :

- Tu as posé Natacha sur ta chaise avant de partir à l’école ce matin ?

J’ai écarquillé les yeux ; la poupée avait non seulement pris ma place, mais elle s’y était sans aucun doute rendue toute seule ! Un rictus narquois déformait ses lèvres purpurines.

Une boule a gonflé dans ma gorge puis de grosses larmes ont coulé sur mes joues. Voyant mon état, ma mère m’a enlacé contre elle et en caressant ma tignasse blonde, elle m’a demandé :

- Allons, que se passe-t-il en ce moment ma grande fille ?

Triste comme jamais, je n’ai pas pu lui répondre. De plus, sa peau dégageait cette odeur que je détestais tant. Alors que la cuisine s’était perdue dans le flou de mes larmes, une vision m’a coupé le souffle, celle d’un mouvement depuis ma chaise. Puis il y a eu une chute sur le carrelage avant que de petits pas viennent me faire hurler.

- Allons, qu’y a-t-il encore ma chérie ?

D’un doigt tendu, je lui ai montré ma chaise. Ma mère s’est retournée et…rien, la poupée n’avait pas bougé, me regardant toujours avec son petit air narquois.

- Je la déteste, je n’en veux plus, tue-la !
- Comment ?

La violence de mes mots m’avait échappé, je n’ai jamais voulu vraiment dire ça.

- Elle n’arrête pas de me dire que tu es une salope !
- Oh arrête de dire cette grossièreté ! s’est fâchée ma mère.
- Salope, salope ! a soudainement crié Natacha.

Ma mère s’est brusquement retournée vers la chaise.

- Tu vois, c’est elle qui te traite de salope !
- Je…mais…enfin, non j’ai cru que…enfin c’est impossible, c’est toi qui…

Je n’en revenais pas, ma mère m’accusait bel et bien !

- Salope, salope, a répété Natacha.

Une claque a résonné dans la cuisine. Pour la seconde fois, ma mère m’a frappé. Mes pleurs se sont mélangés au petit rire cynique de la poupée. Je me suis précipité dans ma chambre, j’ai claqué la porte et j’ai refusé de descendre souper. J’ai fini par m’endormir et je ne sais plus trop quelle heure il était quand j’ai entendu des gémissements…

Ma porte était grande ouverte alors que d’habitude, ma mère prenait bien soin de la fermer.

- Tu entends ta salope de mère ?

J’ai échappé un cri bref. Natacha se tenait assisse au bord de mon lit, le dos bien droit, sa petite tête tournée vers moi. Ses yeux perfides brillaient dans le noir.

- Elle déshonore ton père et te déshonore par la même occasion. Que pensera Noémie quand elle saura que ta mère est une salope ?
- Elle ne le saura jamais, ai-je timidement répondu.
- Ne sois pas idiote, bien sûr qu’elle le saura ! Maëva ne sait pas tenir sa langue.
- Qui est Maëva ?
- La poupée intelligente de ta meilleure copine bien sûr ! Nous communiquons par télépathie !
- Pfff, ça n’existe pas la télépathie.
- Oui, ça n’existe pas petite sotte…tout comme les poupées intelligentes ! Tu verras bien demain à l’école, quand Noémie te dira que tu es une fille de pute !
- Elle ne dira jamais ça !
- Tu paries ?
- Non ! Et puis tu m’énerves ! Je vais le dire à ma mère que tu dis n’importe quoi !
- Hi hi, elle ne te croira pas et puis tu vas la voir à poil, car elle se fait sauter par son patron ! À moins que ce soit son assistant ? Ou peut-être l’un des employés ?

J’ai sauté du lit, mais au moment de courir vers sa chambre, les gémissements de ma mère m’ont stoppé. Je ne savais pas trop ce qu’était l’amour, mais ma meilleure copine m’avait expliqué quelques détails, notamment les petits cris de la femme.

- Ta mère déshonore sa famille ! Entre nous, je ne voudrais pas être à ta place, je n’irai même plus jamais à l’école ! Tout le monde va te traiter de fille de pute !

C’est ce que j’ai fait, je n’ai pas voulu aller à l’école le lendemain, mais ma mère s’est fâchée et m’a encore claqué, car je m'étais mise à crier comme une folle et à me débattre comme une petite fille ayant le diable au corps. Pire, ma meilleure amie m’a évité de toute la journée. Elle savait. Je n’avais plus personne à qui me confier, hormis à mon étrange poupée qui d'une certaine façon, devenait ma nouvelle amie.

- Alors, tu vois bien, je te l’avais dit pour ta copine et bientôt tu seras toute seule, toute seule comme une sale punaise sur un matelas moisi ! m'a-t-elle dit sitôt après être rentré de l'école.

J’ai craqué, j’ai longtemps pleuré jusqu’à ce que je m’endorme de fatigue. Je me suis réveillée en pleine nuit. Natacha était assise au bord du lit, ses yeux de porcelaine fixés sur moi. Sa bouche se tordait d’un affreux rictus, ses traits haineux me terrifiaient. Un éclat a brièvement brillé sur ses genoux.

- Tu vois, m’a-t-elle dit, je veille sur toi tandis que ton affreuse mère se fait sauter une dernière fois avant que ton père ne revienne.

Effectivement, par la porte ouverte de ma chambre, les gémissements de ma mère faisaient écho au silence de la maison. Ça me mettait vraiment mal à l’aise, je me sentais impuissante et totalement désemparée.

- Quand ton père apprendra que ta mère est une salope, il est certain qu’il va la tuer.
- Quoi ? ai-je pleurniché.
- Cela ne fait aucun doute, et puis comme il aime beaucoup ta mère, il se suicidera et tu te retrouveras toute seule.
- Non, je ne veux pas ça ! ai-je paniqué.
- C’est une évidence, tu iras à l’orphelinat où il y a plein de rats dégoutants !
- Non, je ne veux pas !
- Alors tue-la !

J’ai été tellement stupéfait de cette proposition que mes larmes ont arrêté de couler sur mes joues.

- Quoi ?
- Oui, comme ça ton père aura sauvé son honneur, n’ira pas en prison, et comme toi tu es trop jeune pour y aller, tu pourras continuer à vivre avec lui !
- Mais, mais…je ne veux pas tuer ma mère et…et puis je trop petite et puis…et…
- Et patati, et patata ! Bon, très bien, je vais le faire à ta place !

Ma poupée a sauté du lit. Le petit éclat sombre a de nouveau brillé. Dans sa main droite, Natacha tenait un couteau de boucher. Stupéfaite, je pensais naviguer en plein cauchemar, voyant le petit corps de ma poupée trainer derrière elle le lourd couteau dont la pointe raclait la moquette. Elle se dirigeait vers la chambre de mère...

Hormis les cris, je ne me souviens plus de cette dramatique soirée où ma vie a totalement basculé. La police m’a retrouvée couverte de sang avec le couteau de boucher dans une main et ma poupée désarticulée dans l’autre. Oui, désarticulée, elle était complètement cassée. Parait-il qu’elle était comme ça depuis le début, depuis que ma grand-mère me l'avait soi-disant léguée à sa mort. Les psys ont dit que j'en avais fait une poupée intelligente et que sa voix était dans ma tête, uniquement dans ma tête. Parait-il que c’est la voix du mal, celle que beaucoup de gens entendent mais n’écoutent pas, contrairement à moi. Ils m’ont aussi dit que j’étais consanguine, que mon père était le cousin de ma mère. Je ne le savais pas, je ne l’ai jamais cru, comme je n’ai jamais cru que ma mère ait été seule cette nuit-là, seule à se faire plaisir comme une salope…


Une autre histoire de poupée ? 




Rejoignez la communauté GOOGLE des Chroniques de l'Obsucurité

Le blog "Mes chroniques de l'Obscurité" (abonnez-vous !)

La facebook "Mes Chroniques de l'Obscurité" (likez !)

2018@Gebel de Gebhardt Stéphane.
Ce texte est libre de partage.