Affaire des
"monstres" au verre de lait.
Texte piraté par
DeepSkull pour le Journal « le détective du Net ».
Affaire suspecte n°3.
Affaire suspecte n°4 en
cours de décryptage.
Ce qui suit est la
synthèse d’une suite d’entretiens entre « l’accusé principal » du dossier
et le psychanalyste Joseph M-------, travaillant à la section des terreurs
nocturnes de l’hôpital B----. Nous avons volontairement réarrangé les réponses
de l’accusé pour en faire un témoignage assez court. Alors, qui croire ? Coupable
ou innocent ? Bonne lecture à tous nos abonnés.
Comme tous les soirs ma
mère nous apportait un verre de lait aromatisé à la cannelle. Soit elle nous le
donnait, soit elle le posait sur notre table de nuit. Ma sœur dormait sur le
lit côté opposé au mien et finissait toujours ce verre de lait la première.
Moi, je prenais mon temps, j’aimais le déguster, souvent en pleine nuit. Après
un cauchemar, ça me rassurait de le boire. J’avais l’impression que ma mère se
trouvait dans notre chambre et me susurrait les paroles d’une comptine. Je
l’entends encore aujourd’hui ma pauvre mère…
Tout a commencé en
pleine nuit. Ma maison était située un peu à l’extérieur du village, loin de la
route, loin des bruits de la circulation. Parfois, on entendait des aboiements
lointains, parfois c’était le hululement d'une chouette qui venait troubler mon
sommeil. Cette nuit-là c’était silencieux, très silencieux. La lumière pâle
d’une pleine lune filtrait à travers les rayons des volets de la fenêtre. Ça
offrait une certaine pénombre à la chambre. On distinguait vaguement les
meubles, les posters, la table de nuit, la silhouette de ma sœur allongée sous
sa couette.
Je me suis réveillé à
cause d’un sale cauchemar. J’ai aussitôt pris mon verre de lait pour me
rassurer. Mais il était vide. Oui, vide. Je n'y avais pas touché quand ma mère
a éteint la lumière. J’ai songé à réveiller ma sœur, à lui demander si c’est
elle qui avait bu mon verre de lait. Je ne l’ai pas fait. C'est idiot, mais je
n’ai pas réussi à me rendormir tout de suite à cause de cette question qui
trottait dans ma tête : qui avait vidé mon verre de lait ? Alors qu'au petit matin
je parvenais enfin à me rendormir, j’ai entendu comme des craquements, des
bruits de pieds faits avec l’os du talon sur le plancher. Ça se dirigeait vers le
placard. Je n’ai rien vu alors j’ai pensé que ça venait du plancher en bois du
couloir qui craquait de temps en temps. J'aurais tant aimé me tromper.
Le lendemain matin, ma
sœur m’a affirmé ne pas avoir bu mon verre de lait. Elle m’a juste dit qu’elle
avait ouvert un œil, car elle aussi avait entendu des craquements.
Le soir suivant, j’ai
fait la même chose, j’ai laissé mon verre de lait intact. Ma mère ne m’a pas
posé de questions sur le pourquoi du comment. Elle connaissait cette habitude,
car quand j'étais très jeune, j’ai souffert de terreurs nocturnes et un verre
de lait me calmait après mes cauchemars.
Je ne sais pas pourquoi
j’ai eu du mal à m’endormir. Je me trouvais stupide d’angoisser pour un verre
de lait que ma sœur aurait bu. J’ai toutefois fini par trouver le sommeil. Pas
longtemps je crois. Des chouinements m’ont réveillé. J’ai aussitôt allumé la
lampe-chevet. Je n’ai rien vu. Sauf mon verre de lait vide. Je me souviens
avoir ressenti comme un coup de couteau dans le cœur. Ça m’a fait très mal. Je
me suis levé d’un coup et j’ai secoué ma sœur par le col en lui criant dessus.
J’étais furieux. Elle s’est aussi mise à crier. Ma mère est entrée en courant
dans la chambre et nous a séparés. Je lui ai dit pour le verre de lait. Elle
n’en revenait pas de ma stupidité. Au moment où elle a été chercher un autre
verre de lait, on a tous entendu un très léger ricanement. Ça venait du
placard. On s’est tous regardés. Je m’en souviens très bien, ma mère était un
peu angoissée à l’idée d’ouvrir la porte du placard. Malheureusement il n’y
avait rien d’autre que nos vêtements suspendus à la tringle et nos jouets au
sol. Mais moi j’ai vu le ballon rouler sur quelques centimètres ! Je jure qu’il
a bougé ce putain de ballon ! Il a même cogné contre la porte quand ma mère l’a
refermé !
Le lendemain matin, ma
mère m’a de nouveau engueulé, car ma sœur portait des traces de griffures au
niveau du cou et de la poitrine. J’ai protesté, j’ai rétorqué que je l’avais
juste attrapée par le col du pyjama. Elle ne m’a pas cru et m’a giflé. C’est la
première fois qu’elle me giflait. Je lui en ai terriblement voulu. Mais ça va
mieux aujourd’hui, oui bien mieux, enfin je crois, c’est sûr que je le crois.
Le soir suivant, ma
mère m’a ordonné de boire ce « putain de verre de lait ». Elle n’avait pas
décoléré. Je me suis exécuté sans broncher. C’est là qu’on a tous entendu une
sorte de couinement, comme si un chien gémissait. Ça venait encore de ce maudit
placard. Bien sûr il n’y avait rien quand ma mère l’a ouvert. Bien sûr, il n’y
a jamais rien eu derrière cette porte, comme on me l’a si souvent répété. Pourtant
j’ai encore vu le ballon roulé aux pieds de ma mère ! Mais tout ça, c’est
de ma faute, je suis le seul coupable, oui le seul.
Tous les soirs, je
devais finir mon verre de lait « illico presto ». Et à chaque fois
que je finissais ce maudit verre de lait, on entendait des gémissements sortir
du placard. Ma mère a fini par m’accuser de ça, de gémir dans son dos quand elle
s’avançait vers la porte du placard pour vérifier ses bruits. Ma sœur était
encore plus terrorisée que moi, car elle disait à ma mère que dans son sommeil,
on allait venir lui gratter la poitrine. Ma mère était excédée de nous et de tout
ce qui se passait dans cette chambre. Elle a carrément fini par nous traiter de
menteurs. Je n'aimais pas qu'elle dise ça, j’ai toujours détesté qu’on me
traite de menteur. C'est vrai qu'au fond de moi je commençais à ressentir des
pulsions violentes envers elle.
J'ai commencé à perdre
le sommeil. Je dormais par courtes périodes et je me réveillais en sursaut, le
front trempé de sueur, le regard rivé sur la porte du placard. La quatrième ou
cinquième nuit après le début du verre de lait vide, je l’ai enfin vu…
À peine sorti d’un
cauchemar, j'ai subitement plongé dans un autre. Mais celui-ci était bien réel.
Je vous jure qu’il était réel. Haletant, suant, je scrutais la pénombre quand,
sur ma gauche, là où dormait ma sœur, j’ai vu sa couette bouger. Je me suis dit
que ce n’était pas grave, que c’était juste un de ces bras ou une de ces jambes
qui animait la couette. Mais non, non ce n’était pas ça ! C’était impossible
que ça soit ça ! Ça roulait doucement dessous, ça allait et venait, ça formait
des bosses de tissu. Et puis ça mâchait, je suis sûr que ça mâchait ! La tête
de ma sœur gigotait, geignait, des sons comme des crachats sortaient de sa
gorge. Et puis j'ai perçu une voix rauque et lente, une voix qui répétait «
faiiiiiiiiim, laiiiiiiiiiiiiiit, veuuuux laiiiiiiiiiiiit ». J’ai hurlé. Ma mère
a accouru. J’ai alors vu la chose rouler sous la couette avant de se jeter sur
la moquette et courir jusqu’à la porte du placard qui s’est refermée en
claquant. Mais bien sûr ma mère n’avait rien vu. Elle s’est pris la tête en
hurlant, car ce qu’elle avait vu, c’était la couette tachée de sang de ma
petite sœur ! Son corps, son pauvre petit corps, était recouvert de
morsures produites par des dents pas plus grosses que des aiguilles à tricoter.
Et puis son pyjama était complètement déchiré ! Ce n’était pas moi, vous
comprenez maintenant que ce n’était pas moi, c’était le monstre du placard !
Le médecin a conclu à
des morsures de rats localisées au niveau de la poitrine et des tétons. J’étais
soulagé quand j’ai appris ça par ma mère. Mais ce fut bref. Ma mère ne croyait
pas aux conclusions du médecin. Son regard pesant était là pour me culpabiliser.
Même si elle ne le disait pas, je l'entendais hurler dans mon oreille « C’EST
TOI LE MONSTRE QUI A FAIT ÇA ! TU ES UN MONSTRE !
Dans la journée qui a
suivi l’incident, ma mère a décidé que ma petite sœur dormirait avec elle dans
son grand lit inoccupé par mon beau-père en voyage d’affaires au moment des
événements. Même si je n’étais pas coupable, je n’avais pas d’autres choix que
de l’accepter. J’allais devoir rester seul avec la chose du placard…
Ce soir-là, ma mère ne
m’a même pas dit bonne nuit. Sur le palier de la porte, elle m’a juste regardé
en secouant négativement la tête puis, avec un index barrant ses lèvres, elle
m’a fait « chuuuuuuuuuut ». J’ai retenu un cri, un hurlement devant cette
injustice. Car elle me laissait seul avec la chose qui se trouvait dans mon
placard et qui encore ce soir, n’aurait pas son verre de lait…
Je ne sais plus quelle
heure il était quand j’étais entendu les premiers gémissements. Je ne dormais
pas. Avec ce qui s’est passé cette nuit-là et jusqu’à aujourd’hui, je n’ai plus
jamais réussi à dormir sans une forte de dose de somnifères. Et qui le pourrait
après ce que j’ai vu, qui ?
Le placard a grincé. En
pleurant, en tremblant, j’ai allumé ma lampe de chevet et malheureusement, la
lumière n’a pas effacé cette vision cauchemardesque. J’ai vu une sorte de main aux
longs doigts comme des crochets se poser sur l’extérieur de la porte ; j'ai vu
sa peau craquelée et brune ; j’ai vu les phalanges épaisses tapoter le bois comme
si ce monstre était énervé. J’ai entendu sa voix rauque et lente, j’ai entendu
ces mots qui ont glacé mon sang : « mooooooon laiiiiiiiit, jeeee veuuuux
moooon, laiiiiiiit ».
La chose est sortie si
vite du placard que je n’ai vu que ses quatre longues mains et un petit corps
rouge et ridé courir sur la moquette jusqu’à sous mon lit en criant. «
laiiiiiiiiiiiiiiiit, laiiiiiiiiiiit ». Mon matelas s’était mis à bouger, le
monstre le poussait par en dessous. « laiiiiiiiiiiiiiit, laiiiiiiiiiiiiiit »
répétait-il sans cesse. Le matelas était carrément soulevé. À chaque coup, je
hoquetais comme si on me mettait des coups de poing dans le dos et que ma
respiration se coupait. « LAAAIIIIIIIIIIIT LAAAAAIIIIIIIIIIIIIIT » répétait-il
encore et encore. Ma mère a subitement ouvert la porte. Et au moment de me
hurler dessus, ses mots se sont bloqués dans sa gorge. Elle a vu cette chose,
je sais qu'elle a vu ce monstre, car ses yeux se sont écarquillés d'horreur…
À une vitesse
incroyable, la chose a bondi sur elle en criant : « LAAAAIIIIIIIIIT
LAAAAAIIIIIIIIIIIIIT ». Ma mère était enceinte. Avec ses longues mains, j'ai vu
le monstre cisailler sa chemise de nuit et lui mordre ses seins pleins de lait
; je l’ai vu arracher le fœtus de son ventre et ouvrir une gueule remplie de
centaines de petites arêtes en émail. J’ai vu le sang gicler de son corps,
éclabousser les murs et souiller le parquet en gros bouillons épais…
Je me suis évanoui. Ma
tempe a dû heurter le coin de ma table de nuit dans ma chute, car je ne pouvais
être ailleurs que dans ma chambre quand les faits se sont produits…
À l’hôpital, je suis
resté une journée dans le coma. C’est mon beau-père qui m’a découvert dans la
chambre de maman. Il a dit à la police que j’avais dévoré ma petite sœur
jusqu’à ne laisser que sa tête arrachée et ses membres disloqués sur la
moquette. Il leur a dit que j’étais le seul occupant encore vivant de cette
maison. Il leur a dit que les fenêtres et toutes les portes étant
hermétiquement fermées de l’intérieur quand il est rentré de son voyage
professionnel vers 8 heures du matin, soit quelques heures après les faits. Mon
beau-père ne m’a jamais aimé et une fois de plus il venait d’en faire la plus
cruelle des démonstrations. Ce qu’il a oublié de leur dire, c’est qu’il avait
ramené un truc qui cognait dans sa valise six mois plus tôt, lors d’un séjour
au Guatemala. Moi et ma petite sœur l’avions dit à maman, mais elle nous a
affirmé qu’il n’y avait rien dans cette valise. Alors pourquoi ne nous a-t-elle
pas laissés le vérifier ? Je n’ai pas rêvé, j’en suis sûr qu’il y avait un
truc dans cette valise !
Personne n’a compris ce
qui s’est passé cette nuit-là, personne sauf moi. Les médecins n’ont trouvé
aucun morceau de chair ayant appartenu à ma petite sœur ou à ma mère dans mon
organisme. Hormis sur la scène de crime, la police scientifique en a toutefois trouvé des traces dans le placard
de ma chambre. Et des gouttelettes de lait maternel sur ses murs...
Attention, certaines nouvelles sont déconseillées au moins de 12 ans.
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