mercredi 5 avril 2017

La porte mitoyenne



Par ce message je vais vous raconter exactement ce qui s’est passé, du début à la fin, sans oublier aucun détail. Je ne cherche pas à m’innocenter (qui le pourrait avec un simple message ?), je ne vous demande pas de me croire sur parole, je vous demande juste de me lire et de comprendre la nature véritable de ces évènements. Peut-être qu’une fois que j’aurais appuyé sur la touche enter de mon clavier, je me sentirais allégé d’un poids trop lourd à porter.

        Je suis un meurtrier, du moins c’est ce qu’en a conclu le juge des assises. Faute de preuves suffisantes, je n’ai été condamné qu’à cinq ans d’emprisonnement pour la disparition de trois personnes. En fait, j'étais le coupable idéal car la justice n’avait aucun autre suspect à mettre entre les barreaux. Entre les appels, les pourvois en cassation et les remises de peine pour bonne conduite, j’ai passé deux ans derrière les barreaux.  

Tout a commencé par un paquet. Un matin, en partant au boulot, je l’ai trouvé sur le paillasson de ma porte d’entrée. Léger, moins gros qu’une boîte à chaussure, du papier kraft et une ficelle l’entouraient. Il n’y avait ni nom, ni adresse, ni expéditeur dessus. J’ai failli toquer chez mes voisins de palier, mais, de peur d’être en retard au boulot, j’ai posé le paquet sur l’étagère de l’entrée.  Je n’y ai pas pensé de la journée puis le soir, quand je suis rentré à l’appart, j’ai buté dedans. Le paquet était tombé sur le carrelage du couloir et je me suis dit que je l’avais simplement mal placé sur l’étagère. Il était aux alentours de 21 heures et encore une fois je n’ai pas voulu déranger mes voisins pour savoir si ce paquet était à eux.

Comme je le fais chaque soir, je me suis servi un verre de scotch, j’ai allumé la télé et me suis vautré sur le canapé. J’avais posé le paquet sur la petite table du salon. Après avoir fini mon verre, au moment d’aller réchauffer un plat dans le four à micro-ondes, j’ai été surpris de voir le paquet au bord de la table, prêt à tomber. J’ai voulu le repousser, mais il a chuté à mes pieds. En haussant les épaules, j’ai ramassé le paquet, et comme mes voisins n’étaient pas venus le réclamer, j’ai défait la ficelle en prenant soin de ne pas abîmer le papier kraft. Quelques instants plus tard, je tenais entre mes mains quatre morceaux de bois qui encadraient une sorte de toile en jute. Les morceaux de bois étaient gravés de symboles que je pensais être des hiéroglyphes. Entre les symboles, des clous rouges ressortaient de travers. Je n’y connaissais rien en art, mais c’était du mauvais travail. J’ai alors tourné ce que je croyais être un tableau, mais en fait, c’était un miroir très sombre. J’apercevais toutefois mon reflet à l'intérieur même si les traits de mon visage avaient la couleur du charbon. J’ai frotté la glace, mais la fumée ne partait pas. Ne sachant que faire de cet objet, je me suis amusé un peu avec et j’ai fait plusieurs grimaces. Aussitôt quelque chose m’a fait frémir : le décalage de mon reflet. J’avais arrêté mes mimiques alors que mon reflet grimaçait toujours. J’ai fermé les yeux, les ai rouverts, mes grimaces continuaient dans la glace. Puis le reflet s’est mis à hurler alors j’ai lâché le miroir et…je me suis mis à trembler, j’avais mal au crâne et un goût de fer dans la bouche. Nous étions en plein été et, quand j’ai bu mon whisky, il faisait encore jour. Là, on était en pleine nuit, j’étais juste éclairé par la lumière hachurée du poste de télévision qui émettait un grésillement ininterrompu. Plus loin sur ma droite, la lumière jaunâtre de la cuisine formait une auréole sur le parquet. Je n’avais pas souvenir d’être tombé par terre. Je me suis donc relevé, j’ai voulu m’asseoir sur le canapé, mais il n’y était plus, comme le miroir qui lui aussi semblait avoir disparu. N’y comprenant rien, j’ai marché jusqu’à l’interrupteur du salon, j’ai tâtonné le mur sans le trouver. Alors je me suis avancé vers ma cuisine et quand j’y suis entré, j’ai trouvé mon frigo déplacé d’un bon mètre du mur. La tapisserie du mur où se trouvait le frigo était complètement déchirée et formait le contour d’une porte sans la poignée. Un jeu d’une trentaine de centimètres séparait la tapisserie du mur. Je n’avais jamais été informé d'une autre porte dans ma cuisine. Quelqu’un connaissant l’existence de cette porte secrète s’était-il introduit chez moi ? Je me suis alors souvenu du miroir, du reflet grimaçant, mais un reflet pouvait-il être responsable d’une porte secrète ouverte dans ma cuisine ? Y avait-il un lien entre les deux ? Je n’y comprenais rien.

J’ai senti mes poils se hérisser quand j’ai entendu un bruit diffus, le même que le poste de ma télévision. Il provenait de derrière cette seconde porte. Deux choix se présentaient à moi : soit je vérifiais mon appartement au risque de me retrouver nez à nez avec un intrus, soit je m’assurais qu’il ne m’attendait pas derrière cette porte.

J’ai ouvert un tiroir pour prendre un couteau et je suis tombé sur un tas d’objets, dont une petite lampe-torche rectangulaire. Je l’ai prise et j’ai dû fouiller plusieurs autres tiroirs pour trouver mon couteau de cuisine. Je n’avais pas le temps de cogiter, de me dire qui avait déplacé mes affaires, alors je suis passé derrière le frigo et, le cœur battant, j’ai jeté un œil à travers l’embrasure de la porte : on n’y voyait rien, c’était complètement noir. J’ai passé la lampe-torche dans le jeu de la porte et le faisceau a balayé un mur gris, cimenté. Par réflexe, j’ai demandé s’il y avait quelqu’un, mais seul le bruit diffus m’a répondu. J’ai rassemblé tout mon courage, j’ai tiré la porte et…je me suis retrouvé face à un couloir cimenté d’une dizaine de mètres de long. Au fond de ce couloir, j’ai distingué un rai lumineux sous une autre porte. Quand j’ai braqué le faisceau au sol, j’ai lâché un juron.

Des traces de pas apparaissaient dans la poussière, toutes dans ma direction. Mais ce n’était pas des traces de pas normales, c’était de grandes empreintes avec des pieds très longs et très gros. Les quatre orteils se terminaient par une pointe acérée qui avait creusé la poussière en profondeur et le talon était aussi gros qu’une boule de bowling. Comme il n’y avait pas de traces en sens inverse, cette chose devait toujours se trouver dans mon appartement. Mais c’était si gros, si impressionnant que me retrouver nez à nez face à ce truc n’avait rien d’excitant. J’ai alors marché jusqu’au fond du couloir en prêtant attention à chaque détail. Hormis les empreintes et son atmosphère glauque, ce couloir restait commun et d’après mon intuition, reliait un appartement à un autre.

Le bruit diffus s’est intensifié près de la porte entrebâillée. Crispé, le cœur battant, j’ai regardé à travers l’embrasure et j’ai entraperçu un bout de meuble et du carrelage. Rassuré de ne pas me retrouver dans un endroit encore plus glauque, j’ai poussé cette vieille porte à la peinture écaillée et j’ai aperçu une cuisine qui ressemblait étrangement à la mienne. J’y suis entré et j’ai contourné le frigo que cette chose avait tiré pour pouvoir entrer dans ce couloir et rejoindre mon appartement. J’ai traversé la cuisine et par la porte ouverte j'ai aperçu un salon éclairé par la lumière hachurée d’un poste de télévision. Sa lumière pâle se reflétait sur une petite table de salon. À ma grande surprise, j’ai découvert mon miroir gisant de travers. Je ne comprenais pas comment mon miroir pouvait se retrouver là alors qu’il était censé être dans mon appartement ? J’ai voulu allumer la lumière du salon quand des craquements derrière moi m’ont fait dresser les cheveux sur la tête. Je me suis vivement retourné en balayant l’air de mon couteau. Un flic pointait son arme dans ma direction. Il m’a sommé de jeter mon couteau. Ce que j’ai fait… 

J’ai été accusé de la disparition de mes trois voisins, les parents et leur petite fille âgé de 4 ans. Un ami de cette famille qui venait leur rendre visite ce soir-là a entendu des hurlements puis a appelé la police. J’ai bien sûr tout nié en bloc, mais je ne pouvais pas expliquer ma présence chez mes voisins ainsi que les traces de sang découvert autour de ma bouche ainsi que d’infimes morceaux de chair sous mes ongles que j’aimais garder longs. Après analyse génétique, il s’agissait de ceux des trois disparus. J'ai hurlé au complot, car je ne pouvais pas avoir fait disparaître les corps en l'espace d'une heure ou deux. Ils m’ont aussi fait un lavage d’estomac sans rien découvrir de plus. Auraient-ils cru que je les avais bouffés ?

Les semaines qui ont suivi mon interpellation ont été très difficiles à vivre. Ma vie banale venait de basculer de la manière la plus dramatique qui soit. Mes parents sont riches et m’ont payé le plus talentueux des avocats. J’ai alors peu à peu repris espoir. Je ne comprenais toujours pas ce qui s’était réellement passé, comment je m’étais soudainement réveillé chez mes voisins ni comment je pouvais avoir eu des bouts de leur chair sous mes ongles ou leur sang sur mon visage. J’en faisais de terribles cauchemars, ou plutôt non, je n’en faisais qu’un, toujours le même : je marchais dans un couloir sombre, j’entendais le souffle rauque de ma respiration. Mes pieds me semblaient lourds, comme si ce n’était pas les miens et qu’ils appartenaient à quelque chose de bien plus gros que moi. Pourtant ils ne faisaient aucun bruit sur le sol. À chaque pas, je sentais aussi mon ventre rebondir et mon menton suivait ce mouvement de lourdeur. Des cris diffus bourdonnaient dans mes oreilles, des hurlements lointains, les supplications d’une fillette. J’ouvrais la porte du couloir et je me retrouvais dans une pièce éclairée par des torches. Je sentais du sable sous mes pieds et les murs de pierres étaient couverts de symboles qui ressemblaient à ceux du miroir. Face à moi, ce même miroir renvoyait ma silhouette floutée. Plus je m’avançais vers lui, plus mon reflet s’y dessinait avec précision. Et à chaque fois que je me voyais vêtu de cette peau jaunâtre et flasque, de ce ventre énorme, de ce triple menton, de ces yeux globuleux injectés de sang, de ce front très haut, à chaque fois que j’apercevais la tête de cette fillette entre les longs doigts de ma main droite, je hurlais jusqu’à me réveiller en sueur, le souffle perdu, le regard balayant les murs de ma cellule.

Mon psy m’a expliqué que mon inconscient avait transformé les accusations portées contre moi en un cauchemar où j’apparaissais en monstre cannibale. Étrangement, ce n’est qu’à ma sortie de prison que le cauchemar a cessé.

Malgré ma demande, les flics ont gardé le miroir comme pièce à conviction. Pour ma part, je ne suis jamais retourné dans mon ancien appart et j’ai dû quitter la ville à cause des « supporters » de la famille disparue qui jugeait ma peine de prison trop clémente.

Ce matin, j’ai reçu une carte postale de mes parents. La photo représentait un phénix déployant ses ailes au-dessus d’une pyramide sombre où l’on devinait le visage grimaçant de centaines d’individus. Au dos, il y avait un message de ma mère m’indiquant dans quel endroit du monde ils se trouvaient ce mois-ci. Profitant de leur fortune, mes parents étaient de grands voyageurs et profitaient simplement de la vie. Mais au dos de la carte, à la fin du message de ma mère, j'ai lu et relu cette étrange phrase : « Merci d’avoir libéré ton père de son fardeau. Ta renaissance commence. Le reflet du miroir n’est que celui de ton âme ».

Voilà, vous connaissez toute mon histoire et que vous me croyiez ou non m’est égal, ce n’est pas grave, c’est exactement ce qui s’est passé et je me sens tellement mieux à présent. J'ai l'intime conviction que je suis innocent, mais, sans vraiment le comprendre, j’évite toujours de me regarder dans un miroir. Et pourquoi le ferais-je puisque c’est lui qui me regarde…

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2 commentaires:

  1. je ne sais quoi en penser ! votre histoire est glauque ! mais je trouve courageux de l'écrire. je sais que parfois les flics ne font pas leur boulot correctement suite à l'agression d'une amie, il n'ont pas bougé, mais pour autant dans votre histoire je suis démunie d'argument.

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    1. C'est juste une fiction. Le mec a quand même pris deux ans ! Merci de votre com Julie ;-))

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